On pouvait vraiment dire que cette journée fut un Jeudi Noir. Le vent soufflait en rafale, la pluie frappait les vitres sans discontinuer, éclair et tonnerre se faisaient la course pour savoir qui des deux effraierait le plus d’élèves.
Ce matin-là, Hermione ne descendit pas pour prendre son petit-déjeuner avec les autres. Elle prétexta qu’elle avait encore quelques livres à lire avant le prochain cours afin de rester seule un moment dans la chambre. Elle se regarda dans un petit miroir et prononça au moins cinq fois : « Je t’aime, Viktor. » Non, elle ne ressentait rien. Elle avait beau prendre tous les tons possible, ses paroles sonnaient toujours creux. Alors pourquoi dans son rêve avait-elle l’air si sincère quand elle avait dit ces mots ? Elle s’était sentie désirée et vulnérable dans les bras de Viktor. Il n’y avait personne d’autres que lui qui comptait le plus à ses yeux à ce moment-là. Mais à beau y réfléchir, tout cela n’était qu’un rêve. Il pouvait très bien ne rien vouloir dire. Il n’y avait aucune raison d’en faire tout un plat, même si c’était la deuxième fois qu’elle le faisait.
Il était temps maintenant d’aller en cours. Hermione rangea le miroir dans sa table de chevet puis pris ses livres et sa baguette. Même si le professeur Binns n’était pas du genre à remarquer une absence, Hermione mettait un point d’honneur à ne pas arriver en retard.
C’est en descendant dans la salle commune des Griffondor qu’elle aperçut par terre à l’entrée de l’escalier un article découpé d’un magazine. Il datait de deux ans. Hermione s’en rappelait bien, il avait été écrit par Rita Skeeter qui la décrivait comme une briseuse de cœur. Qui avait bien pu garder un tel souvenir du Tournois des trois sorciers ? En plus, la photo en couleur d’Harry avait été remplacée par une récente d’Hermione. Alors qu’elle contemplait la photo, une voix se fit entendre derrière elle. L’article fut rangée précipitamment dans un de ses livres.

- Hermione, est-ce que je pourrais te parler ?

C’était Ginny. Elle avait l’air embarrassée.

- J’allais justement en cours. Et toi, tu devrais faire pareil. On va finir par être en retard.
- J’ai demandé aux autres de dire que je me sentais mal et que je me rendais à l’infirmerie. C’est bien qu’on puisse parler seule à seule, car c’est très important. J’ai besoin de ton aide.
- Bien, je t’écoute. Viens, on va s’installer près de la cheminée. J’ai l’impression que tu trembles de froid.
- En fait, je suis juste nerveuse, répondit Ginny en s’asseyant dans l’un des fauteuils. Pour tout te dire, je ne sais même pas par quoi commencer…
- Cela a un rapport avec les cours ?
- Non, c’est au sujet de Dean. Tu sais que je sors avec lui. On ne s’était pas vu pendant les vacances scolaires alors on était très heureux de se retrouver à la rentrée. Mais Dean s’est montré de plus en plus entreprenant. Et moi je voulais attendre avant d’aller plus loin. Je me montrais assez ferme là-dessus… pourtant…. Hier soir… On cherchait un coin tranquille et la Salle sur demande nous est apparue. Il y avait une multitude de fleurs, c’était enivrant et l’ambiance était si romantique. Il y avait aussi un lit…et… Oh Hermione, je crois que j’ai fait une terrible erreur. Ginny se cacha le visage dans ses mains.
- Tu veux dire que tu as perdu ta… avec Dean…..Hermione était abasourdie.
- Oui. Qu’est-ce que je vais faire maintenant ? Si par malheur Ron l’apprend, je suis morte. Et puis si je tombe enceinte ce serait la catastrophe. Dean avait bien prévu quelque chose contre ça mais je ne savais pas comment faire et il était assez maladroit. C’est un truc caoutchouteux qui vient du monde des moldus, tu dois savoir ce que c’est, non ?
- Euh… je crois savoir de quoi tu parles. Hermione se sentit rougir.
- Finalement, on ne l’a pas utilisé. Et maintenant je commence à avoir peur des conséquences. Aide-moi, Hermione, s’il te plaît.

Ginny commençait à sangloter. Hermione était touchée par sa détresse. Elle essaya de la réconforter du mieux qu’elle pouvait.

- Tout d’abord, tu devrais aller à l’infirmerie. Tiens, j’avais confisqué ceci à un élève. C’est un bonbon qui vient de la boutique de tes frères. Je viendrai te rejoindre à l’infirmerie dès que j’aurai trouvé quelque chose à la bibliothèque qui pourra t’aider.
- Merci beaucoup.

Voilà un problème de taille auquel Hermione n’aurait pas pensé se voir confronter dans le monde des sorciers. Contraception, pilules, préservatif… tous ces mots-là, Hermione les connaissait pour avoir lu plusieurs brochures qui arrivaient au cabinet dentaire de ses parents. Et elle avait déjà eu une grande discussion avec sa mère sur ce sujet. Chez les moldus, Hermione serait partie prendre le nécessaire dans une pharmacie. Mais dans le monde des sorciers, Hermione n’avait pas la moindre idée de ce qui se faisait dans ce genre de situation. En regardant les titres des livres de la bibliothèque, rien ne lui sauta aux yeux. Elle fit alors des recherches par champ lexical. Femme-enfant-grossesse-interruption-reproduction-fécondité-œuf-ovule-spermatozoïde..etc… Tout y passait. Au fil des lignes qu’elle lisait, elle savait maintenant comment casser un œuf au-dessus d’un bol, faire une copie conforme d’un document, interrompre le cours du temps, mais cela ne l’aidait guère quoique le dernier point pourrait lui servir d’ici peu si Madame Pince lui suggère de partir avant qu’elle ne trouve ce qu’elle cherchait. Enfin, après avoir noté plusieurs références, elle tomba sur un livre qui s’intitulait : « La sorcière mystifiée » écrit par Betty Friedan en 1963. L’auteur dénonçait l’image peu reluisant de la sorcière se bornant à élever les enfants sorciers et s’occuper de la maison. Il n’y avait aucune raison que les sorcières n’occupent pas de hauts postes et travaillent avec le même salaires qu’un sorcier car après tout, on parlait beaucoup plus de chasse aux Sorcières qu’aux Sorciers. Bon nombre de sorcières se sont vu traquer et mettre au bûcher plus que leurs confrères mâles. Lors de l’affaire des Sorcières de Salem en 1692 par exemple, 19 personnes furent pendues pendant l’été de la même année et seulement 6 étaient des hommes. Bien sûr beaucoup des accusés étaient d’innocents moldus mais les noms qu’on retenait en priorité étaient des femmes dont la célèbre Tituba qui était bien née sorcière mais n’avait pu avoir un véritable enseignement magique, ce qui la perdit. Le livre continuait ainsi en citant diverses affaires lugubres. Hermione trouva un passage sur les lois concernant l’interdiction de potions anti-naissance. L’auteur revendiquait le droit de les utiliser et de ce fait, avait mis les recettes pour que toutes les sorcières puissent en avoir à portée de main afin de décider elles-mêmes si elles voulaient des enfants ou non. Hermione nota tout ce qui l’intéressait : ingrédients, préparations, temps, inconvénients… Ceci fait, elle rangea tous les livres et partit rejoindre Ginny à l’infirmerie de Madame Pomfresh.
L’heure du repas était passé depuis longtemps déjà. Elle avait faim. Il fallait pourtant qu’elle se dépêche. Pour aller plus vite, elle traversa le cloître. Il pleuvait toujours. Elle hâta encore plus le pas. Pas le temps de jeter un sort d’imperméabilité. Elle croisa Parvati et Lavande qui se promenaient la main dans la main comme des petites filles. Elle leur cria en courant qu’elle se rendait à l’infirmerie. Arrivée à destination, elle put enfin reprendre un peu sa respiration. Elle demanda à Madame Pomfresh si elle pouvait voir Ginny. L’infirmière lui indiqua un lit dont les rideaux avaient été tirés autour pour permettre à la malade d’avoir un peu d’intimité. Aussitôt Hermione se dirigea vers celui-ci. Elle fut surprise de voir Neuville assis sur un tabouret qui parlait à Ginny.

- Bonjour Neuville.
- Bonjour Hermione, répondit Neuville en se levant et manquant de renverser son tabouret. On se demandait tous où tu étais passée.
- J’avais beaucoup de choses à faire ce matin. D’ailleurs, cet après-midi non plus je ne pourrai pas assister au cours de Métamorphose. Pourras-tu dire au Professeur Mac Gonagall que je vais veiller sur Ginny ?
- Bien sûr. Je vais y aller. Eh bien, à bientôt Ginny et guéris vite.
- Merci d’être passé, salua Ginny.

Aussitôt Neuville parti, Hermione s’installa sur le tabouret libre. Elle vérifia qu’il n’y avait personne pour écouter leur conversation.

- J’ai trouvé différentes potions qui pourraient résoudre ton problème. En voici la liste.
- Hum… cela m’a l’air assez compliqué.
- Ne t’inquiète pas, je t’aiderai. Regarde cette potion. Je pense que c’est la plus adéquate. Elle est assez rapide à faire et efficace si on la prend rapidement dans la semaine qui suit l’acte. Par contre, il y a beaucoup d’ingrédients rares.
- Je ne pourrais peut-être pas payer tout ça, soupira Ginny.
- Tout s’arrangera, tu verras, assura Hermione. On ira ce dimanche à Pré-au-lard. S’il le faut, je revendrais certains de mes livres. J’en ai beaucoup qui ne me servent plus.
- Non, c’est à moi de faire ça.
- Voyons, si tu vends tes livres, tes parents t’en demanderont la raison.
- C’est vrai. Je suis vraiment désolée… Ginny avait les yeux embués.
- Il faut te changer les idées. Veux-tu que je t’apporte un jeu d’échec ? Je ne suis pas aussi douée que Ron mais je peux me défendre.
- Ron est passé tout à l’heure. Que sa propre sœur soit malade, il s’en fiche un peu. Il a juste profité de l’occasion pour me parler de toi et d’Harry. Il a encore du mal à digérer.
- Est-ce que tu crois qu’il me pardonnera un jour ?
- Tu n’as rien à te faire pardonner. Ce n’est pas de ta faute si tu ne l’aimes pas. Moi-même j’ai renoncé à Harry et j’ai pu ouvrir mon cœur à d’autres garçons. Je ne peux pas te cacher que parfois il m’arrive encore de penser à Harry, mais cela me fait moins mal aujourd’hui parce que je le vois heureux avec toi. Je suis à la fois contente et jalouse qu’il t’ait choisie.
Devant le sourire de Ginny, Hermione était complètement désarmée. C’était un mensonge. Harry n’était pas heureux grâce à elle.

- Hermione, j’ai dit quelque chose de mal ?
- Je te dois la vérité. Au moins à toi je peux le dire. En fait, je ne sors pas du tout avec Harry. Il est amoureux de Cho. Ils se sont remis ensemble. Harry et moi… C’est juste un gros mensonge pour qu’Hebe et Ron me laissent tranquille.
- Oh, et c’est tout ? Pourtant, je suis sûre qu’Harry a l’air beaucoup plus heureux quand tu es près de lui. Ginny restait perplexe. Il est toujours pensif, un peu comme s’il était ailleurs. Quand il te regarde, il se met à sourire avec tendresse pour ensuite se replonger dans ses pensées. Puis tu lui parles et là il rit de bon cœur. Il retrouve la joie de vivre.
- Non, tu te fais des idées. Je n’y suis pour rien en particulier. Ca doit lui arriver de rire avec Ron et les autres garçons, non ?
- Je ne sais pas. J’ai plutôt l’impression qu’il reste seul la plupart du temps, il ne parle plus à grand monde. En fait, je pense que c’est toi qui réunis Harry et Ron autour de toi.

Un grand BOUM se fit entendre dans la salle, mais quand Hermione vérifia derrière le rideau, il n’y avait personne. Un courant d’air avait sans doute fait claquer la porte de l’infirmerie. Madame Pomfresh sortit de son bureau chargé d’un plateau-repas et demanda à Hermione de sortir. L’heure des visites était dépassé. Elle lui confia un mot pour Mac Gonagall assurant que la jeune malade pourra suivre à nouveau les cours le lendemain, mais qu’elle resterait à l’infirmerie cette nuit.
Tout le château était dans la grande salle pour le dîner. Hermione trouva son professeur pour lui remettre la missive et en profita pour s’excuser de son absence. Elle put ensuite rejoindre les autres Griffondor à leur table. Harry lui avait gardé une place à ses côtés.

- Alors, comment va Ginny ? demanda-t-il.
- Elle va mieux maintenant, ce n’était rien de grave.
- Tant mieux. Avant que tu ne disparaisses à nouveau, je tiens à t’offrir ceci.

Harry lui tendit un petit paquet enveloppé dans un joli papier aux motifs floraux.

- Qu’est-ce que c’est ? Pourquoi ?
- Joyeux anniversaire. On est le 19 Septembre. Tu as dix-sept ans aujourd’hui. Tu l’avais oublié ?
- On est vraiment le 19 Septembre ? ?
- Mais oui, s’amusa Harry. Tu peux ouvrir le cadeau maintenant si tu veux.

Hermione ne se fit pas priée deux fois. Elle découvrit une jolie pierre précieuse bleutée montée en pendentif et accrochée à une chaîne en or.

- C’est une pierre volante, précisa le jeune sorcier. Elle permet à quiconque la porte de voler dans les airs. Comme je sais que tu n’es pas très à l’aise sur un balai, j’ai pensé que ceci pourrait te faire plaisir. Veux-tu que je t’aide à enfiler le collier ?
- Oui, merci Harry, c’est magnifique. Je ne sais pas quoi te dire. C’est vraiment un merveilleux cadeau.
- On pourra voler ensemble ce week-end, qu’en dis-tu ?

Hermione s’imagina alors volant dans les airs tel un oiseau avec Harry. C’est alors que la pierre se mit à briller dans ses mains et ses pieds commencèrent à quitter le sol.

- Harry !

Ce dernier attrapa ses mains et la tira vers lui. Il l’entoura de ses bras, la serra contre lui. La pierre continuait de briller.

- Je ne te laisserai plus t’échapper.
- Harry, tout le monde nous regarde. C’est très gênant.
- Mais si je te lâche, tu vas encore t’envoler. Tu ne veux pas rester dans mes bras ?
- Ce n’est pas ça, mais…

Hermione croisa le regard de Cho qui baissa la tête l’air résignée. Les paroles de Ginny résonnèrent à ses oreilles. La culpabilité la gagna.