En cette douce soirée de printemps, son armure lui semblait plus lourde et contraignante que d’ordinaire. Le soleil couchant baignait la capitale impériale de sa délicieuse lumière ensanglantée. Quelques brises légères l’ébouriffaient. Son regard d’azur se promenait sur les allées silencieuses, qui bientôt seraient englouties par les ombres grandissantes des hautes bâtisses. Son pas léger résonnait de façon troublante dans ces rues si animées le jour…Tout comme la nuit.
Ce quartier n’était pas le mieux fréquenté de la ville. Mais dans la douce pénombre du crépuscule, ces rues semblaient désertes. Le crépuscule… La ville allait à nouveau s’éveiller, à présent. Il était temps pour Raijin de se retourner vers le quartier noble à l’autre bout de la ville.
Il soupira longuement. Ce quartier était toujours calme mais il sentait un étau se resserrer sur son cœur. Malheureusement, il n’avait pas le choix. Il se devait de saluer l’Empereur comme il le fallait avant que celui-ci ne rejoigne sa demeure qui, malgré les contestations des nobles, était séparée du palais.
Il commença à arpenter les rues avec pour seule compagnie son épée, qui, des siècles auparavant lui semblait-il, l’avait rendu célèbre dans tout le royaume. Sa bravoure à cette époque était réellement exemplaire. Maintenant, il ne lui restait qu’un océan de lassitude.
Il se sentit soudain englouti par ce sentiment. Une légère bourrasque le fit frissonner. Il était temps d’en finir.
Plongé dans ses pensées, il n’esquiva que de justesse la dague malhabile de l’homme qui fondait sur lui. Pris dans son élan, l’assassin perdit l’équilibre. D’un mouvement rapide et net, Raijin le décapita.
Un vulgaire brigand, espéra-t-il avant d’apercevoir deux, trois…non, une dizaine d’hommes armés se diriger vers lui. A leurs gardes et déplacements, il en conclut que ce n’étaient pas de simples brigands. Il estima rapidement ses chances avant de détaler dans les ruelles devenues beaucoup trop sombres à son goût.
Il ne pouvait pas mourir. Pas maintenant. Il arriva rapidement dans le quartier noble, essoufflé comme il ne l’avait jamais été.
Vraiment, il n’était plus dans son âge d’or et il le ressentait cruellement en cet instant. C’est perdu dans de sombres pensées qu’il aperçut son fils s’avancer tranquillement vers lui, son éternel sourire naïf au visage.
Il fondit sur lui mais fut stoppé dans son mouvement par les deux hommes qui formaient sa garde. Avec des mouvements impensables pour un quinquagénaire, il se débarrassa du premier garde. Le deuxième prit ses distances et ses mouvements devinrent plus prudents. Mais il se trouvait devant le seul héros digne de porter ce titre !
Il l’élimina après quelques feintes et reprit sa course initiale.
Pendant le trajet qui les séparait, le guerrier repensa amèrement aux épreuves que lui avait fait subir la vie. Oui, lors de sa dix-neuvième année, il avait accueilli la naissance de son fils avec des larmes de joie. Dix-sept printemps après ce jour, il restaura le pouvoir royal qui était tombé et devint le plus grand des héros.
Il ne s’était pas imaginé que seulement quelques mois après l’heure de gloire, le Roi serait assassiné et que la royauté tomberait.
Et jamais il n’aurait soupçonné son fils d’avoir une telle envie de pouvoir.
Jamais, non jamais il n’aurait pensé qu’u homme tel que lui soit obligé de fuir.
Ce sont les crimes du nouvel Empire qui l’avait poussé à revenir. Et maintenant, comble de l’ironie, lorsqu’il se décide enfin à rejoindre la capitale pour assassiner l’Empereur Son Fils, ce fut lui qui se fit surprendre.
Mais maintenant, tout allait s’arranger. Même si le destin, même si le monde entier devaient se dresser contre lui, il enverrait le régicide ad patres et laverait son honneur.
En levant sa lame au-dessus de son enfant, il poussa un cri de victoire. Cri qui fut coupé par une vive douleur qui lui était inconnue aux côtes. Son épée lui glissa des mains, et il eut juste le temps de voir la pointe d’une flèche dépasser de son flanc gauche avant de ressentir la même douleur à la base de la nuque. Non, vraiment il n’aurait jamais pensé être abattu par un vulgaire archer juste avant de réussir à assassiner son fils dans la ville qui les avait vu naître.
Décidemment, même la mort était contre lui.
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