Cette fois le messager ne répondit pas, bien que ses yeux soient toujours rivés sur elle, brillant et magnifiques. Elle dégagea sa main avec douceur des doigts du Cavalier et lui ferma les yeux. Sa peau était blanche, excepté les commissures de ses lèvres d'où le sang avait coulé. Son visage était serein. On aurait pu croire qu'il s'était assoupi si on ne voyait pas les flèches plantées dans son dos. Il était jeune et déjà il avait vu sa vie se consumée. La vie ne tenait vraiment qu'a un fil. Inconsciemment, elle serrait le cavalier dans ses bras, sa tête reposant sur son épaule.
La chaleur dorée du soleil les enlaça, et chassa la fraîcheur de l'ombre. Camille regarda la broche que le cavalier lui avait demandé de prendre, épinglée sur son cœur. Elle s'essuya les mains distraitement en les frottant sur son pantalon, pou effacer les traces de doigts sanglantes, puis ouvrit la broche. Tout son corps fourmilla d'une curieuse sensation. Que faire du corps du messager ? Elle ne pouvait pas simplement le laisser au milieu de la route, à la vue des charognards et des voleurs. Elle fit la grimace. Le corps était trop lourd pour qu'elle puisse le traîner sous le bois sans aide. Elle répugnait à laisser le corps à découvert mais...elle devait essayer. Puis, comme si une voix lui avait dit : « Ne perds pas ton temps », Elle s'éloigna du corps, pris la sacoche du message et le sabre les fixa sur sa selle et saisit les rênes de Belegost. Et pourtant elle hésitait encore. Le messager lui avait dit d'aller comme le vent, mais faire mourir le deuxième cheval d'épuisement pour y parvenir ne servirait à rien. Elle marcherait en les guidant et remonterait lorsqu'il serait un peu rétabli. Il avait l'air en piteux état. On l'avait manifestement élevé pour couvrir rapidement de longues distances, sans aucun souci d'esthétisme. Le poil rude de sa robe alezane était couvert de cicatrices anciennes.
Cette histoire de message marquait un changement majeur dans ces projets.
Elle frémit. La silhouette torturée du messager allait rester un moment dans sa mémoire.
Belegost et l'autre cheval ployèrent l'encolure pour regarder non pas Camille, mais en arrière.
Elle se retourna.
Le corps du cavalier avait disparus de la route.
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