Samedi 14 avril (6ème année de guerre)
Un bout de rideau blanc pendant, une table de chevet métallique, un lit qui ne grince pas, une fenêtre faisant rentrer le soleil dans la pièce ... tout portait à croire que je n'étais pas dans ma chambre. L'esprit encore très flou, je restai allongée à contempler la peinture du plafond qui commençait à s'écailler jusqu'à ce que je me rende compte d'une présence, debout devant la fenêtre, contemplant dehors. Un uniforme de lycéen noir, le regard perdu dans le vague, un profond sentiment de mélancolie semblait se peindre sur son visage. En un flash, tout redevint instantanément clair. Cet homme ... était le dernier souvenir que j'avais d'avant mon réveil. Mais chose étrange, il ne dégageait pas la moindre once d'aura maléfique, contrairement à la dernière fois. A moins que je ne le confonde ...
- Tu comptes m'épier en secret encore longtemps ?
Sa voix, étonnamment calme et douce, me surprit. Il avait prononcé ces mots sans même détacher ses yeux du dehors.
- Je ne t'épiais pas ! M'exclamai-je, vexée, tout en me relevant. Et puis, qu'est-ce que tu fais là ?
- Avant de me poser la question, ne te demandes-tu pas ce que toi, tu fais là ? Rétorqua-t-il d'un air sûr, décidant enfin de se tourner vers moi.
- Ça ne te regarde pas ! Lui répondis-je sèchement.
Et contre toute attente, il se mit à rigoler, ce qui eu pour effet de m'énerver encore plus.
- Ne t'énerve pas, je te taquinais juste.
D'un silence anormal, il se rapprocha de moi :
- Je suis venu pour ça, me dit-il simplement en me montrant du doigt une pile d'une dizaine de feuilles soigneusement et parfaitement empilées sur ma table de chevet. Ce sont les cours que tu as loupé, ceux de jeudi après-midi et ceux de vendredi aussi.
- Quoi ?! M'écriai-je très étonnée, me levant d'un bon de mon lit et faisant virevolter les draps par terre. On est quel jour aujourd'hui ?
- Samedi ...
Un long silence s'ensuivit. Comment ai-je pu rester inconsciente si longtemps ? Et puis pourquoi cet homme ne dégage plus cette aura si maléfique comme jeudi ? Dans ce cas-là, d'où venait-elle ?
- Au fait, nous ne nous sommes même pas présentés, me dit-il, rompant net ce pesant silence un grand et sincère sourire aux lèvres. Je m'appelle Shu. Kurokami Shu. Et toi ?
- Ce n'est pas un prénom très courant, constatai-je. Moi c'est Aka. Tenchi Aka.
- Ton prénom non plus n'est pas ordinaire, rétorqua Shu, comme en résonance avec ma précédente remarque.
L'air de son visage changea brutalement, il devint beaucoup plus sérieux et me fixa dans les yeux :
- Dis-moi, tu n'es pas quelqu'un d'ordinaire, n'est-ce pas ?
J'en restai muette un instant. Ces paroles étaient arrivées de manière si abrupte qu'elles me déstabilisèrent.
- Qui ne dit mot consent. Ta réaction ne fait que valider mes doutes, dit-il simplement avant de s'en aller de l'infirmerie.
- Attends ! L'arrêtai-je en le rattrapant par le bras et le regardant droit dans les yeux. Qui crois-tu être pour me dire ça ?
Shu commençait sérieusement à me faire peur, j'avais la désagréable impression qu'il savait tout sur moi, qu'il savait tout sur ce que je voulais cacher aux yeux du monde.
- Tu sais, j'en sais probablement plus sur toi, que toi tu en sais sur toi-même ... car après tout, moi non plus, je ne suis pas quelqu'un d'ordinaire. Je cache même probablement des secrets encore plus lourds que les tiens. |