Samedi 11 novembre (1ère année de guerre)
Où étais-je ? Que faisais-je là ? Qui étais-je ? ... furent les premières questions qui traversèrent mon esprit embrouillé. Je venais de me réveiller allongée par terre sur un sol dur et caillouteux, j'avais sur les bras et les jambes quelques légères blessures dont le sang avait déjà coagulé. Me tenir debout était presque insoutenable, comme si je venais de tomber de très haut. Ma tête me faisait atrocement mal et je fus prise de nausées. A regarder aux alentours, il n'y avait rien d'autre que des cailloux, des cailloux et encore des cailloux. Je cédais très vite à la panique. Jamais auparavant je n'avais vu un tel paysage. A vrai dire, je ne me souvenais de rien du tout, absolument rien. Dans ma mémoire, c'était le vide total. Même si je me sentais vidée de toute force, je me mis à marcher, c'était toujours mieux que de rester là. Un vent fort se leva, soulevant la poussière du sol. La pénombre de la nuit commençait à tomber en même temps qu'un froid glacial. Ma vue se brouillait. J'avais faim. J'étais fatiguée. Allais-je mourir ici ?
Dimanche 12 novembre (1ère année de guerre)
Où étais-je ? ... De ma main, je tâtais ce que j'aurais cru être le sol, mais c'était infiniment plus doux et confortable que ça. J'ouvris les yeux et m'aperçus que j'étais dans une pièce, allongée dans un lit. Péniblement, je me levais. Ma tête et mes jambes me faisaient toujours aussi mal. De la pièce voisine, j'entendis des voix, mais je ne pus distinguer ce qu'elles disaient. C'était une langue que je ne connaissais pas. Intriguée, je tournais la poignée de la porte et fut un peu éblouie par la vive luminosité de la pièce comparé à celle où j'étais. Je réussis toutefois à entrapercevoir le visage de mes sauveurs. C'était un couple de personnes âgées. Ils étaient assis à une table. La femme était de forte corpulence et avait un visage qui paraissait encore très jeune et radieux. Quant à l'homme, il était maigre mais possédait lui aussi un visage rassurant. Quand ils me virent, tous deux se levèrent et s'approchèrent de moi. Ils me souriaient et me parlaient dans un langage que je ne pus comprendre. Un peu affolée de ne pas savoir quoi faire, je reculais jusqu'à percuter le mur. Ils s'arrêtèrent net de parler, un sentiment d'angoisse remplaçant leur sourire sur leurs visages. Dans ce silence, mon ventre se mit à gargouiller bruyamment. Sans plus attendre, la femme ouvrit un placard et en sortit un immense gâteau dont elle coupa une généreuse part, la mit dans une assiette, posa le tout sur la table et me fit signe de manger. Je ne me fis pas prier plus longtemps. Une fois mon repas fini, je ne sus comment les remercier. Je saisis alors la main de la femme en lui faisant un grand sourire. Celle-ci me sourit en retour et posa sa main sur ma tête. Ensuite, elle montra du doigt son compagne en me disant « Oji », puis elle-même en disant « Oba » et fini part me pointer de son doigt en attente d'une réponse. Je ne me souvenais même pas de mon prénom. Je secouais donc ma tête en signe de négation. C'est alors qu'ils me baptisèrent « Aka ».
Mercredi 5 décembre (5ème année de guerre)
Oji et Oba avaient décidé de s'occuper de moi et pour les remercier, je les aidais comme je pouvais. Malgré le fait que nous ne parlions pas la même langue, nous arrivions parfaitement à nous comprendre. Cela faisait depuis maintenant quatre ans que nous étions en fuite continuelle. La guerre gagnait du terrain de jour en jour et si nous voulions survivre, il fallait aller en territoire neutre, mais malheureusement, ceux-ci se faisaient de plus en plus rares. Depuis maintenant, nous avions eu de la chance, beaucoup de chance même. De toutes les villes et villages que nous avions traversé, puis vu se réduire en cendres, seul très peu de survivants s'en sortaient. Nous étions actuellement en route pour une petite île au sud du Japon, un territoire neutre sur lequel il y a une des plus grandes bases militaires. Je m'étais dit que là-bas, nous serions tranquilles pendant un bon bout de temps, mais le destin en décida autrement ...
Alors que nous étions pris dans une tempête de neige, une horde de démons firent leur apparition. N'ayant rien pour se défendre, ils tuèrent de sang froid Oba et Oji qui avaient tenté de me protéger dans cette vaine lutte. Dévastée par la tristesse et la colère, je réussis à éveiller ce pouvoir qui avait sommeillé en moi depuis si longtemps. Deux longues ailes blanches comme la neige me poussèrent dans le dos, et en quelques mouvements, je réduis à néant les démons qui avaient osé lever la main sur mes sauveurs. Mes ailes souillées de sang trainant dans la blanche neige, je marchais droit devant moi, sans réellement savoir où j'allais, sans savoir où je devais aller, ni ce que je devais faire à présent. J'étais donc un ange. Cet ange que les démons poursuivaient. J'étais donc la responsable de la mort d'Oba et Oji ... |