Silence.
Mes yeux sont clos.
Je les ouvre enfin, je crois me réveiller d'un long rêve. Un rêve peut être trop long.
Le ciel est blanc. Vois-je flou, ou ne suis-je toujours pas réveillé? Suis-je encore en train de rêver?
Je me lève, mes jambes s'enfoncent dans un océan de sang. Je reste pourtant à la surface, seuls mes tibias sont submergés.
"Qu'est ce que..."
Je ferme les yeux, puis les ouvre de nouveau.
Rien ne change. Je reste dans cet océan pourpre qui n'en finit pas, sous ce ciel étrangement clair, sans nuage, ni soleil, ni lune. Je me regarde, les mains, les bras, le torse puis les jambe.
Habitué à détailler ce que mon regard rencontre, je constate qu'il n'y a pas d'ombre sous les plis de mes vêtements, ni sous ma chemise, blanche elle aussi, une chemise en soie blanche que je n'avais jamais porté auparavant. Mon pantalon, lui non plus je ne l'avais jamais porté. Il est de cuir, et noir. Mes pieds, je ne les vois pas, cachés sous une poignée de centimètre de sang.
Je ne sais pas ou je suis. Je suis seul.
Seul dans ce lieu étrange et effrayant où le silence règne.
Je commence à marcher. Où ça? Je ne sais pas. Je ne sais pas mais j'avance. Peut être arriverai-je sur un lieu plus rassurant.
Depuis combien de temps suis-je ici? Dans cet océan qui m'effrait?
Depuis combien de temps est-ce que j'avance dans ces eaux pourpres et compactes comme les sables mouvants?
Depuis combien de temps est-ce que je marche sans même être épuisé?
Le niveau de ces eaux troublantes semble diminuer au fur et à mesure que j'avance.
Enfin, une rive.
Je ne l'espérais plus.
Je presse le pas, et essaies de courir.
J'y arrive enfin, sur cette rive de sable blanc.
Cette rive de sable blanc et fin qui s'étend jusqu'à perte de vue, de gauche à droite.
J'avance encore, il n'y a toujours personne.
J'avance encore, et s'en m'en rendre compte dès le premier instant, je me retrouve dans un champ.
Un champ de blé dont les grains et les tiges sont pâles, tellement pâles qu'elles aussi, se rapprochent du blanc.
"Qu'est ce que cela veut dire?"
Un ciel blanc, un océan rougeâtre, une plage au sable blanc et un champ de blé blanc.
Où suis-je donc?
J'avance, encore et encore.
Toujours personnes.
Toujours rien.
Je continue d'avancer, puis, après un temps qui me reste inconnu, m'arrête.
Je m'arrête et regarde aux alentours.
Au loin, j'aperçois une porte, une porte gigantesque brillant comme l'or, au milieu d'un mur de lumière.
Enfin, quelque chose.
Je reprend la marche, presse le pas, puis finalement cours.
Je cours, sans savoir pendant combien de temps.
Je ne m'arrête pas, ne me fatigue pas, ne m'essouffle pas.
Et cette porte qui semble reculer en même temps que j'avance vers elle.
Je finis par m'arrêter une fois de plus.
Je regarde cette étrange porte que je n'arrive pas atteindre.
Puis, du sang coule de mon torse.
Je ne comprends pas, je ne comprends rien.
Puis, des images, des souvenirs.
Je me souviens.
Un stupide accident.
"Je suis donc mort?"
Mais les morts, ils vont soit au Paradis, Soit en Enfer.
Le Paradis serait cette étrange porte.
Et l'Enfer cet océan de sang.
Où suis-je donc?
Pourquoi ne vais-je ni au Paradis? Ni en Enfer?
Suis-je perdu entre ces deux mondes?
Pourquoi qu'ai-je fais?
Des images, des souvenirs.
Et des douleurs.
"Ah oui, c'est vrai."
Un assassin.
Voilà ce que j'étais.
J'avais tué un homme.
Pourtant, c'était pour en protéger une autre, une femme.
Celle que j'aime.
Alors pourquoi?
Suis-je prétentieux d'espérer le Paradis après avoir été souillé par le sang d'un autre?
Mais aussi, n'ai-je pas assez souffert dans cette vie?
Puis j'y pense.
Maintenant, la souffrance que j'ai pu enduré m'est égale.
Je suis mort.
Mort, perdu entre Enfer et Paradis.
Une pensée.
Une seule.
Une seule, pour celle à qui appartenait mon cœur.
Je suis désolé.
Désolé d'être partit si tôt.
Désolé de ne plus pouvoir te voir.
Désolé de ne plus pouvoir te serrer dans mes bras.
Désolé de t'aimer.
Et de te faire souffrir
Alors que je ne suis plus de ton monde. |