L’obscurité. Son cerisier, les pétales de fleurs s’amassant au sol. Cette scène lui paraissait familière et... si réelle. Il savait pourtant que ce n’était qu’un rêve. Un rêve étrange d’ailleurs. Il ne pouvait dire depuis combien de temps il était là à contempler cet arbre mais il se sentait observé depuis le premier instant où cet univers lui été apparu. Une lueur rosâtre attira soudain son attention. Un homme avançait vers lui mais il ne parvenait pas à distinguer les traits de son visage. Il était grand, mince et son allure était étrangement séduisante. L’avait-il déjà rencontré ? Non, il s’en serait souvenu. Mais il ne lui était pourtant pas étranger. Il voulut s’approcher de lui mais, à son grand étonnement, il en fut incapable. L’homme interrompit alors sa progression.
« Je sais qui tu es, je connais la vérité que tu lui caches. » put-il entendre très clairement.
Il était persuadé d’avoir reconnu cette voix mais pourtant elle lui échappait.
Un songe ? Il en doutait de plus en plus.
« Ainsi donc vous me connaissez ? » répondit Seishiro amusé. « Eh, bien pourrais-je avoir la chance de connaître votre nom mon cher ? »
Il crût voir apparaître un sourire sur le visage de son interlocuteur puis celui-ci lui répondit.
« Cela ne fait que commencer. Bientôt, nous nous reverrons très bientôt... »
Tandis que l’homme étrange disparaissait dans une pluie de fleurs de cerisier, l’espace se teintait lentement d’un voile pourpre. Impassible, jetant un dernier regard vers le cerisier, Seishiro crut apercevoir sa proie, Subaru Sumeragi, le visage en sang et le corps à moitié emprisonné dans le tronc de l’arbre.
Il ouvrit les yeux. Son regard dur fixait l’obscurité. Il était à peine remis de sa surprise, lui qui se montrait maître de la sitution en toutes circonstances. Comment ? Comment cet homme avait-il pu savoir cela ? Par cette illusion, il lui avait prouvé qu’il comprenait qui il était et qu’il connaissait également sa proie. Voilà qui était des plus étonnant. Un homme, suffisamment puissant pour s’introduire dans ses rêves, possédait le secret de son identité !
Une sensation qui ne lui était pas inconnue lui traversa le corps. Cette rencontre lui rappelait étrangement une autre, lorsqu’il était plus jeune, tout aussi intriguante. A la différence près que cet homme semblait avoir un pouvoir d’une puissance impressionnante.
- Il tenterait donc de se montrer plus fort que le Sakurazukamori..., murmura-t-il pour lui-même. Il faut que je découvre qui il est.
Un sourire s’épanouit sur ses traits tandis qu’il se demandait quel visage pouvait avoir celui qui avait eu l’audace de se présenter ainsi devant lui. « Bientôt » lui avait-il dit ? Très bien, il avait hâte de le rencontrer une nouvelle fois pour lui montrer la puissance véritable du Sakurazukamori.
Le connaissait-il ? La question venait de lui traverser l’esprit alors qu’il sortait de la boulangerie avec son paquet de croissants.
Non, cela était fort peu probable. Si Subaru avait déjà rencontré un homme si puissant, il lui en aurait déjà parlé vu la confiance naïve qu’il lui accordait.
Seishiro aperçut l’adolescent qui l’attendait au lieu de rendez-vous et, comprenant qu’il était assez en avance, il ne put s’empêcher de sourire. « Depuis combien de temps m’attends-tu ? » se demanda-t-il.
- Subaru !
« Tu es vraiment trop gentil Subaru » pensa-t-il une fois encore alors que le jeune exorciste se tournait vers lui, son visage représentant l’innocence pure.
Il quitta sa clinique puis se dirigea tranquillement vers son appartement. Il se remémorait encore les réactions de sa jeune proie le matin même. Sa timidité et son comportement l’amusaient toujours autant. Il était si facile de le diriger sur le chemin qu’il désirait ! Subaru se préoccupait toujours des autres et pas de lui-même ; il n’y avait finalement que le vétérinaire et Hokuto qui étaient si prévenant avec lui. De ce fait, il se pliait à presque toutes leurs demandes. Et Hokuto ! Cette jeune femme poussait littéralement son frère dans ses bras, pourtant elle devinait qu’il était différent de ce qu’il paraissait être mais elle restait persuadé qu’il convenait à l’adolescent. Il devait avouer aussi que son aide, qu’elle lui fournissait de bon coeur malgré elle, lui était précieuse. D’ailleurs c’était encore une de ces idées qui lui permettrait, le lendemain soir, de se rapprocher encore un peu plus de sa proie.
Seishiro entra dans son appartement. Il soupa calmement, nettoya et rangea le peu de vaisselle qu’il avait utilisé puis enfila son long manteau noir et quitta ses logements.
Il avait du travail ce soir.
Le corps s’écroula au sol comme une masse. La jeune femme sans vie à ses pieds ne lui arrachant aucune émotion, il quitta lentement sa maison et sortit en silence.
Il marchait depuis quelques instants à peine lorsqu’il crut déceler une présence. Il ne s’arrêta pas mais elle disparue pourtant aussitôt. Déjà la deuxième fois qu’il la ressentait ce soir. Et à chaque fois ce n’était qu’une fraction de seconde. Quelle habileté pour échapper à ses sens ! Déjà la première fois il y avait pensé, maintenant il en était presque persuadé : c’était lui. Cet homme qui était parvenu à pénétrer ses rêves.
« L’intérêt qu’il me porte est plutôt flatteur mais il joue avec le feu » se dit-il en se dirigeant une fois de plus vers son appartement.
Il ferma les yeux et s’endormit immédiatement.
L’obscurité puis le cerisier, une fois encore.
« Alors c’est encore vous ? » dit Seishiro toujours aussi intrigué par la personne qui s’approchait de lui.
Un sourire sur son visage. Cette fois il en était certain.
« Ma présence t’importunerait-elle ? » demanda l’inconnu d’une voix qui aurait pu troubler n’importe qui tant elle semblait charmeuse. « Bien au contraire mais j’aimerais beaucoup que vous vous présentiez puisque vous semblez en connaître bien plus sur moi que je n’en sais sur vous. » dit le Sakurazukamori en faisant mine de s’approcher de cet homme à présent immobile.
« Je crains que cela ne soit guère possible. Il est trop tôt encore. Je peux pourtant te promettre une chose... »
Seishiro se retrouva à nouveau immobilisé et une scène étonnante se produisit devant ses yeux. L’homme disparu en un instant, le sol sembla bouillonner là où il se tenait plutôt et une forme en jaillit lentement. Lorsqu’elle se stabilisa, un adolescent lui tournait le dos. Il eu la désagréable impression de connaître son identité, ce qui se confirma lorsqu’il se tourna vers lui.
Subaru. Il se tenait face à lui, le regard vide. Seishiro vit soudain deux mains se poser sur les épaules de l’adolescent puis descendre lentement vers sa poitrine. L’homme avait à présent le menton posé sur son épaule.
« Subaru m’appartiens et tu ne peux rien y faire » dit l’homme d’un ton froid en passant ses bras autour de sa taille.
Un noir d’encre sembla soudain absorber toute la clarté qui émanait de cet espace et la dernière chose que Seishiro put voir fut les yeux de son vis à vis dont les pupilles étaient différentes : l’une dont il n’avait pas eu le temps de réellement distinguer la couleur exacte et l’autre d’un étrange aspect doré qui ne lui était pas inconnu.
Ses yeux s’ouvrirent subitement.
Sa chambre était plongée dans la pénombre mais il revoyait encore ces yeux, où se mêlaient des sentiments qu’il n’avait pu déchiffrer, qui le défiaient. Ainsi, cet homme voulait donc s’approprier le bien du Sakurazukamori ? Quel que ce soit son pouvoir personne ne pouvait se le permettre.
- Tu le regretteras, murmura-t-il brisant le silence qui occupait sa chambre.
Qu’il tente de se jouer de lui l’avait diverti un moment mais Subaru lui appartenait, personne n’était en droit de toucher à sa proie.
- Like virgin... Hey ! Touched for the very first time ! ... (1)
Il aperçut du coin de l’oeil Subaru qui tentait d’entrer discrètement dans la salle alors que sa soeur laissait s’envoler les dernières paroles de la chanson.
- SUBARU, TU ES EN RETARD !
Seishiro sourit en observant les jumeaux échanger quelques paroles. Lui, il connaissait la raison de son retard. Une âme emplie de regrets. Pourquoi l’avoir guidé jusqu’à elle ? Pour pouvoir jouer son rôle à la perfection, bien sûr.
- Et alors ? Où sont les cigarettes ? l’interrogea Hokuto.
- Heu... c’est-à-dire que... en fait... Je... je vais aller en racheter !
Le vétérinaire retint alors l’adolescent en lui enserrant la taille.
- Ne t’inquiète pas Subaru... de toute façon j’en ai encore un paquet dans ma voiture.
- Mais...
- Merci pour tes efforts, lui glissa-t-il alors au creux de l’oreille.
Seishiro ne dut pas attendre plus d’un instant pour voir le jeune Sumeragi rougir à ces mots.
- Se... Seishiro !
Il le relâcha tandis qu’Hokuto s’exprimait avec son énergie si particulière et imposait déjà une nouvelle chanson à son frère.
- Aaahh... Je crois que je vais rentrer. J’ai rendez-vous tôt demain matin alors il vaut mieux que je sois en forme. Mais TOI tu restes Subaru !
- Mais... Hokuto...
- Pas de mais, demain c’est dimanche et tu peux te permettre pour une fois de faire la grâce matinée donc ce soir tu restes avec Sei ! N’oublie pas que c’est lui qui nous a invité !
- Ne te sens pas obligé de rester pour moi Subaru, dit le vétérinaire en affichant une mine entre la déception et le dépit. Je peux te reconduire avec Hokuto si tu préfères...
- Non, non... Ce n’est pas la peine... Je vais rester... encore un peu... , dit-il peu sûr de lui.
- Ah ! Je suis fière de toi Subaru ! Tu te décides enfin à accorder un peu de temps à notre pauvre Sei ! Allez, j’y vais !
Elle attrapa ses affaires et se dirigea rapidement vers la sortie.
- Et ne faites pas de bêtises les amoureux ! lança-t-elle d’une voix enjouée en quittant la salle.
- Hokuto ! s’exclama l’adolescent rouge de gêne.
Elle disparut derrière la porte et ils se retrouvèrent seuls dans la pièce.
- Subaru, accepterais-tu de chanter avec moi ? demanda-t-il d’une voix enjôleuse en se tournant vers ce dernier.
Il s’étonna brièvement de le voir assis sur les canapés un verre à la main. Il semblait un peu perdu et ...
- Qu’est-ce que c’est... , dit Subaru en tentant de se lever.
« Voilà qui est intéressant » se dit le vétérinaire en comprenant ce qui venait de se produire.
- Oh, je crois que tu viens de boire mon sake !
Seishiro ne put s’empêcher de sourire en observant ce spectacle qu’il n’aurait jamais crû voir. Subaru saoul !
Il s’approcha de lui, le soutenant pour lui éviter la chute et s’apprêta à lui parler mais Subaru le devança.
- Seishiro ?
- Oui Subaru ?
- Est-ce que tu m’aimes réellement ? lui demanda-t-il en le fixant dans les yeux avec un étrange éclat dans le regard et un sérieux étonnant malgré son état.
Le Sakurazukamori fut cette fois réellement surpris tant par le direct de la question du jeune homme que par le fait que ce soit lui, Subaru, qui la lui posait. Digne de lui, il reprit néanmoins rapidement consistance, fixant de ses yeux dorés l’adolescent qu’il maintenait debout en entourant sa taille frêle de son bras.
- Bien sûr, Subaru, je n’aime que toi , dit-il tel la plus douce des déclarations.
L’adolescent resta étrangement impassible avant de lever une main tremblante vers la joue du vétérinaire et de l’y poser en douceur.
- Je... je t’aime aussi, Seishiro, de toute mon âme.
Le Sakurazukamori ne put alors cacher sa surprise et en resta coi.
- Je serais prêt à sacrifier ma vie pour toi, ajouta le jeune exorciste en s’approchant un peu plus encore de lui. Oui, je t’offrirai ma vie sans hésiter.
Son visage n’était plus qu’à quelques centimètres du sien. Ils échangèrent un long regard durant un instant qui sembla une éternité à Seishiro puis le jeune exorciste entama les quelques centimètres qui les séparaient...
...et s’évanouit dans ses bras.
Le vétérinaire resta figé durant quelques minutes, le corps léger reposant contre sa poitrine, puis les pensées affluèrent soudain dans son esprit. Subaru venait de lui faire... sa déclaration ? Il avait pu lire toute sa sincérité dans ses magnifiques yeux émeraude ; il pensait visiblement chaque mot qu’il avait prononcé. Seishiro entendait la respiration régulière du jeune médium qui s’était endormi au creux de son épaule. Se souviendrait-il de ses révélations à son réveil ? Et lui-même, comment allait-il gérer cette situation ? Il devait pourtant bien s’attendre à une telle possibilité en devenant son chevalier servant, non ?
Le corps chaud de sa proie vibrait légèrement à chaque nouveau battement de son coeur.
« Je t’aime de toute mon âme »
Un délicieux frisson parcourait le Sakurazukamori.
« Je t’offrirais ma vie »
Une sensation qu’il ne parvenait pas à identifier. Etait-ce l’émergence d’un sentiment ? Non. Il repoussa cet idée loin de lui. Pourtant une interrogation restait ancrée en lui... et si...
Il souleva délicatement l’adolescent et le posa sur les canapés. Puis, involontairement il observa un instant les formes gracieuses du jeune Sumeragi étendu face à lui.
- Notre pari touche bientôt à sa fin, souffla Seishiro pour lui même, serais-tu capable de le gagner Subaru ?
Il passa lentement la main dans les cheveux de l’adolescent et sourit, peut-être révélant un bonheur inconscient dans cette simple expression.
Seishiro le prit dans ses bras et l’observa quelques instants encore avant de quitter le karaoké pour ramener le jeune éphèbe endormi chez lui.
" Subaru m'appartiens et tu ne peux rien y faire " Cette affirmation prétentieuse lui revint en mémoire un instant et il ressera son jeune "aimé" un peu plus contre lui inconsciemment.
- Il n'appartient qu'à moi seul, murmura-t-il sur un ton lourdement chargé de menace tout en observant le visage délicat de Subaru.
Quelque chose emmergeait en lui mais il ne pouvait le définir. Qu'était-ce? Un véritable sentiment?
A suivre...
Kokoro : He oui, c’est déjà la fin !
Subaru Sakurazuka : Tu peux m’expliquer ce que tu m’a fait là ? ( un vent léger se lève )
Sei : Je crois que tu dévies un peu, au cas où cela t’aurais échappé je suis le Sakurazukamori, froid et insensible... ( des pétales s’envolent autour de lui )
Kokoro : Du... du calme « Sakurazukamori’s »... vous voulez connaître la suite non ?...
Sub & Sei : ...
Kokoro : ... Euh... je dois y aller je crois ... ( une tempête de pétales se préparent ) Je ferais mieux la prochaine fois ! (court comme une dératée) PAS TUER !
(1) Je reprends ici la scène à peu de chose près du tome 5 (vol 7, box), pour rappel (même si je suis certaine que tout le monde s’en souvient : ) ) Seishiro demande à Subaru d’aller lui acheter un paquet de cigarette alors qu’ils sont au karaoké et Subaru se retrouve à guider une âme vers l’au-delà ... |