- Ce n'est pas mon monde.
- Le mien non plus, renchérit Fye.
- Mekyo ! Mokona à ressenti la présence d'une plume ! s'enthousiasma-t-il, ses yeux rouges grands ouverts.
- Elle a fait vite pour une fois la boule de poils, s'étonna Kurogane.
- C'est vrai Kurorin, ajouta le magicien en souriant.
- Je t'ai déjà dit de...
- Princesse ? Tout va bien ?
La jeune fille semblait fixer un point avec étonnement. Elle cligna des yeux puis secoua la tête.
- J'avais crû ..., non, j'ai dû me tromper, répondit-elle en souriant à Shaolan.
Ce dernier l'observa intrigué.
- Alors Mokona, où se trouve-t-elle ? interrogea Fye avec douceur.
- ...
- Mokona ?
- Mokona a perdu la plume, déclara le petit être d'un air défait, ses yeux à présent refermés.
- Mouais, c'était trop beau, tu sers pas à grand chose en fin de compte, lâcha le guerrier.
- Kurorin est méchant avec Mokona ! se plaignit ce dernier en se précipitant dans les bras de Fye.
- Allons Kuro-puu, ce n'est pas la faute de Mokona.
- C'est Kurogane ! Combien de fois faudra vous le répéter, s'énerva-t-il.
- Kuro-puu ! Kuro-puu !
- Ferme-là !
- Kuro-puu !
Voyant le guerrier s'approcher menaçant, il s'échappa des bras du magicien tout en continuant à répéter ce surnom ridicule.
- Arrête ça ! hurla Kurogane en colère et tentant en vain de le faire taire.
Fye regarda la scène avec amusement puis rejoint les deux adolescents.
- En tous cas, nous sommes au moins certains qu'une plume de Sakura se trouve dans ce monde.
- Oui, confirma le jeune garçon.
- Je crois avoir ressenti un autre pouvoir également, ajouta Sakura avec hésitation.
- Mokona l'a ressenti aussi ! s'exclama-t-il en se posant sur l'épaule de cette dernière au plus grand dam du guerrier. Ce sont deux pouvoirs, opposés mais semblables.
- Oui, il me semble même que l'un d'eux me soit familier..., continua la jeune fille.
Elle observa un instant la rivière.
- ... mais je ne parviens plus à me rappeler où je l'ai ressenti. Je suis désolée.
- Ne vous excusez pas princesse, nous allons retrouver votre plume, dit Shaolan avec détermination.
Elle lui sourit reconnaissante.
- Bon, par où allons-nous ? demanda le magicien. Mokona ?
- Mokona ne sait pas ...
- Je pense que nous devrions longer la rivière, proposa Sakura.
Les intuitions de la princesse se révélant souvent exactes, la petite troupe se dirigea vers le cours d'eau. Ils le traversèrent là où se trouvait un passage naturel et entamèrent leur exploration.
Un instant la jeune fille crut percevoir une présence mais elle ne vit rien. Ces deux hommes qu'elle avait semblé apercevoir n'avaient dû être qu'une illusion.
- - -
Ils les observaient, Subaru plus qu'étonné par cette étrange situation.
Ils venaient de les dépasser, les frôlant presque sans paraître les voir.
Le jeune exorciste essaya de les interpeler, attrapant au passage le bras de la jeune fille mais... sa main lui passa au travers. Cette dernière se retourna, surprise, et, ne paraissant pas le voir, reprit sa route à l'appel de l'adolescent.
- Qu'est-ce que ça veut dire ?
- C'est pourtant clair Subaru.
Il se retourna vers Seishiro, qui ne semblait pas le moins du monde décontenancé par ces faits étonnants.
- Pas pour moi.
- Ils évoluent simplement sur un plan différent du notre.
Logique, en effet.
- Nous devons pourtant bien entrer en contact avec eux.
- Pourquoi ? lui demanda l'assassin.
- Car ce sont les seuls êtres humains qui semblent présents dans ce monde, sans doute les seuls à pouvoir nous aider, tu le sais aussi bien que moi.
- Ils sont puissants mais je doute qu'ils puissent nous être d'un quelconque secours. Ils ne nous voient pas et, même si c'était le cas, nous ne pourrions pas communiquer avec eux, dit-il détaché.
Effectivement leur langage était incompréhensible, Subaru devait le reconnaître. Pourtant, la magie de cette jeune fille lui semblait peu éloigné de celle de cette fameuse plume et Seishiro avait dû s'en rendre compte lui aussi.
- Fais ce que tu veux, dit-il neutre. Je vais les suivre.
Sur cette affirmation, il se mit à leur rythme laissant entre-eux une dizaine de mètres. Il allait sans doute trouver un moyen de leur parler, il le fallait.
- Tu es donc si pressé de retourner dans notre monde ?
Le Sakurazukamori marchait à nouveau à ses côtés.
Le chef des Sumeragi le regarda et pu lire encore de l'amusement sur son visage. Il se détourna, peut-être un peu de colère dans le coeur. Le considérait-il encore comme un enfant pour toujours poser un tel regard sur lui ? Cet enfant avec qui il avait passé ce terrible pari. Ou bien peut-être ne le considérait-il encore est toujours que comme un simple jouet qu'il briserait un jour ou l'autre.
- J'ai un souhait à accomplir.
- Que je suis le seul à pouvoir réaliser, n'est-ce pas ? Si ce n'est pas me tuer, que désires-tu Subaru ? demanda-t-il avec intérêt.
Le silence s'installa entre-eux.
Il ne lui dirait pas avant qu'il ne se réalise. Si aujourd'hui il le lui révélait, sans doute pousserait-il encore son jeu plus loin, s'amusant à le faire souffrir un peu plus encore. Ou bien, au contraire, et cela était plus que probable, disparaîtrait-il pendant bien des années encore, lui ôtant tout espoir d'arriver à ses fins, le laissant errer dans cette vie qui n'en était plus une pour lui.
- Tant que nous sommes ici, cela n'a pas d'importance, déclara encore froidement Subaru.
Le jeune homme n'en ajouta pas plus et continua d'avancer à un rythme régulier l'assassin l'accompagnant toujours.
L'exorciste suivait du regard le petit groupe qui les précédait.
Des rires, de la douceur, de la bienvaillance. Ils avaient l'air heureux.
Lui aussi il l'avait été à une époque. Le sourire d'Hokuto, son affection... il ne les retrouverait jamais. Et il en était, lui, le chef du clan Sumeragi, le seul fautif.
Subaru ne détachait pas son attention de ces quatres personnes et de ce petit être aux étranges pouvoirs. La confiance semblait régner parmi eux. Cette même confiance qu'il lui avait accordé dans son adolescence...
Ils marchèrent ainsi durant plusieurs heures, le contraste entre les cinq compagons et les maîtres du yin et du yang restant profondément marqué, les uns découvrant ce nouveau monde avec intérêt, les autres semblant plongés dans l'indifférence pure.
Au crépuscule, les premiers s'arrêtèrent dans une clairière bordée d'arbres fruitiers et les seconds en firent de même.
Toute la journée il avait essayé. Subaru avait tenté sort sur sort, faisant appel à ses shikigamis et dressant même un kekkaï mais cela avait été inutile. Pas moyen d'entrer en contact avec eux. Il soupira tandis qu'il s'asseyait à même le sol. Que pouvait-il encore imaginer pour parvenir à ses fins ? Leur retour dans leur monde était plus que jamais compromis.
Seishiro s'installa à quelques pas de lui déposant au passage une dizaine de variétés différentes de fruits devant eux.
- N'est-ce pas étonnant ? Tant de possibilités dans un tel lieu alors qu'ailleurs nous n'aurions pas le choix.
Il observa les aliments qu'il venait d'apporter puis releva la tête vers son jeune compagnon.
- Mais, finalement, même lorsque nous pouvons choisir nous souhaitons toujours les mêmes choses, ajouta-t-il.
Ils échangèrent un long regard, Subaru ne sachant ce qu'il devait chercher à comprendre dans l'éclat brillant dans l'oeil ambré ou simplement dans les mots qu'il venait de prononcer, puis le jeune homme pris une des pêches qui reposaient sur l'herbe fraîche.
- Merci pour les fruits.
Cette phrase était somme toute des plus banales mais en même tant totalement absurde dans l'état actuel des choses. Ce genre de réactions faisaient apparemment parti de ces comportements qui ne changeraient jamais chez lui.
Le Sakurazukamori lui sourit, pensant sans doute la même chose à cet instant, et s'empara d'une pomme et d'une grappe de raisins.
Ils mangèrent dans ce silence qui ne les quittait plus, à peine brisé par le souffle du vent qui s'intensifiait avec la nuit tombante ou les quelques voix provenant des seuls autres êtres qui parcouraient ce monde. Cette absence de bruit était pesante pour Subaru quoi qu'il puisse en dire. Mais comment en aurait-il pu être autrement ? Il n'y avait rien à dire.
La lueur du feu de camp à l'autre bout de la clairière faiblit puis s'éteignit totalement laissant place à l'obscurité légèrement atténuée par le pâle reflet de la lune. Ils n'avaient même pas songé , ni l'un ni l'autre, à préparer un feu, ça ne leur était d'aucune utilité.
Subaru se leva, atteignit le pied d'un chêne puis se laissa glisser contre son tronc.
Il était fatigué. Fatigué de cette journée à laquelle il n'aurait pas dû survivre, de ce monde qui ne l'intéressait pas, de la présence de cet assassin qui semblait se moquer de lui et qu'il ne voulait pourtant pas quitter.
Il ferma les yeux.
Il les ouvrit à nouveau en sentant la présence de l'ancien vétérinaire. Il venait de s'installer lui aussi au pied de cet arbre, à l'opposé exact où lui venait de s'asseoir. L'exorciste entendit rouler la pierre de son briquet. L'odeur âcre de la fumée ne tarda pas à l'atteindre, une odeur si familière. Le jeune homme ferma cette fois définitivement les yeux.
- Bonne nuit Subaru.
Le sommeil ne tarda pas à l'atteindre, l'écho de la voix de Seishiro résonnant encore dans ses oreilles.
- - -
Il avait chaud. Pas trop cependant. Une chaleur agréable. Peu à peu il émergeait revenant à la réalité. Ses paupières se soulevèrent lentement d'abord, s'habituant à la douce clarté de l'aube puis totalement.
Le jeune homme ne bougea pas. Il s'étonna de trouver le long manteau du Sakurazukamori étendu sur lui mais cette surprise ne fût rien face à la constatation qui vint ensuite. Sa tête reposait contre une épaule chaude, celle de Seishiro bien sûr.
Il se redressa aussi calmement qu'il le put.
L'assassin semblait toujours plongé dans le sommeil.
Il se releva, chancelant à peine mais à présent bien éveillé, le manteau de son compagnon dans la main.
Se retrouver ainsi aux côtés de lui était bien le dernière chose à laquelle il s'attendait ce matin.
Pourquoi continuait-il à avoir de pareilles attentions pour lui ?
« Il a dû avoir froid cette nuit » ne put-il s'empêcher de penser alors que machinalement il le recouvrait de son long pardessus noir.
Subaru frôla ses cheveux de ses fins doigts.
Sa main se referma sur son poignet. L'exorciste resta immobile, le regard de Seishiro le paralysant.
- Merci Subaru.
Un sourire charmeur.
- Pourquoi continues-tu ce jeu avec moi ? questionna-t-il en tentant de garder un minimum son sang froid toujours penché au-dessus de l'assassin.
- Je voulais simplement éviter de te voir tomber malade, lui répondit-il relevant uniquement la référence à la veste et en gardant son expression charmeuse.
Un instant interdit Subaru se reprit finalement.
- Ah oui, ce sort...
Seishiro l'attira encore un peu plus à lui.
- Que souhaites-tu vraiment Subaru ?
Son regard intense, sa proximité.
Il sentait qu'il ne pourrait plus lui résister très longtemps.
- Lâche-moi s'il te plaît.
Il tremblait légèrement à présent, tentant de fuir son regard.
Seishiro le retint quelques instant encore puis le relâcha enfin.
Le jeune homme s'éloigna peu à peu de lui n'osant à présent plus croiser son oeil unique.
- Combien de temps vas-tu encore éluder ma question, Subaru ? interrogea-t-il dans son dos sa voix grave lui provoquant un léger frisson.
L'exorciste s'arrêta une seconde puis s'éloigna à nouveau disparaissant à l'orée du bois qu'ils avaient quitté la veille.
Il avançait sans savoir où il allait. Il voulait juste s'éloigner de lui, partir le plus loin possible. Quelle ironie. Il l'avait cherché pendant si longtemps et maintenant c'était lui qui le fuyait. Mais se doutait-il à quel point cela le faisait souffrir ? Le voir si tendre avec lui, comme il l'avait toujours souhaité, en sachant qu'il ne faisait que jouer la comédie !
Subaru sentait ses larmes poindre dangereusement, des larmes qu'il lui avait semblé s'être taries depuis longtemps tant il en avait versées pour sa soeur et pour cet assassin.
- Ah ! C'est vous... Vous êtes l'homme que j'ai vu hier... ?
Il reconnut la voix de la jeune fille avant de la voir. Elle lui faisait face, sereine, les yeux emplis de douceur, et de surprise aussi, lui souriant simplement.
A suivre... |