"Au secours! Aidez-moi!"
La jeune fille hurlait, attachée par les poignets à un poteau de bois. La bête était derrière elle: elle sentait dans son dos, à travers la fine et fraîche robe de soie, le souffle brûlant et nauséabond de la créature.
Il apparut alors en haut de la colline, monté sur son destrier, brillant au soleil d'une teinte métallique.
"Vite seigneur, lui cria la demoiselle, tuez ce monstre!"
Le cavalier descendit le promontoir au galop, la lance pointée vers la gueule de la créature.
Au contact des écailles qui constituaient la peau du démon ailé, l'arme solide se brisa: des éclats jaillirent et manquèrent de blesser la monture.
Pris dans son élan, le chevalier ne put ralentir à temps pour éviter le coup de patte puissant de son adversaire: il fut projeté au sol, de même que son animal, qui avait été éventré par les griffes aiguisées du dragon.
L'homme en armure rampa tant bien que mal vers le cadavre de son compagnon sous le regard du monstre mythique aux yeux rouges. Il s'appuya sur la dépouille afin de se redresser et prit dans un même temps lépée et le bouclier pendus à la selle.
Il s'avança ensuite vers la bête, en s'abritant derrière son écu: elle l'attendait dans une posture digne, balançant sa queue de gauche à droite.
Une lueur d'espoir apparut dans les yeux de la princesse, mais elle ne fut que brêve: sans aucun signe annonciateur, la bête ouvrit sa gueule dont sortit un infernal jet de flamme.
L'homme s'abrita derrière son bouclier, mais celui-ci fondit presque immédiatement face à la chaleur du souffle enflammé. L'armure qu'il portait devint instantanément rouge, se ramolissant, offrant à son porteur des douleurs et brûlures que la souffrance de mille morts n'équivalait.
La demoiselle était abasourdie, terrorisée, répugnée, et ne pouvait qu'assister silencieuse à l'effroyable spectacle que lui offraient les gesticulations et les cris inhumains de son sauveur à l'agonie.
Finalement, celui-ci s'écroula: plus rien dans l'apparence de ce tas de chair et de métal ne ressemblait à un homme.
Le monstre aux yeux rouges reporta alors son attention sur son offrande: celle-ci ne bougeait plus, résignée à son destin. Il l'attrapa dans sa gueule et tira: les bras de la malheureuse furent arrachés de son tronc, retenus par les chaînes qui les entravaient.
Le liquide rouge de vie coula sur l'herbe fraîche.
Les crocs aiguisés du monstre transpercèrent alors la fine peau de la frêle jeune fille: son sang chaud et pur gicla de sa bouche et de ses blessures.
Sans plus de cérémonie, le dragon mastiqua et avala la parfaite beauté réduite en une bouillie rosée.
Bien que la viande fut tendre et délicieuse, il n'en eut pas assez pour se rassasier et, prenant son envol, partit à la recherche d'une nouvelle proie dans quelque autre lointaine contrée.
Au village, tout le monde dansait et se réjouissait: depuis le départ du chevalier pour aller terrasser la bête, celle-ci n'avait pas reparu.
La rumeur disait qu'après avoir vaincu le monstre, le noble cavalier avait emmené la belle princesse dans un lointain royaume où il l'aurait épousé et où, lui et sa dulcinée, auraient succéder au trône. |