Dans une forêt vivait une famille des plus normales : le mari et la femme étaient heureux et venaient d'avoir des jumeaux. Ils vivaient, selon l'expression, d'amour et d'eau fraîche.
Chaque matin le mari partait en quête de quelque nourriture pour lui et sa femme, tandis que celle-ci restait au foyer, éduquant et allaitant ses petits, les réchauffant et protégeant de son corps contre les dernières gelées de l'hiver.
Au fur et à mesure que leurs enfants grandissaient, les forces des jeunes parents s'amenuisaient, la nourriture se faisant de plus en plus rare.
Une nuit où il avait neigé et où les jeunes parents se sentaient plus faibles que jamais, des bruissements les réveillèrent. Une lueur anormale luisait près de leur abri, qu'ils avaient batti au prix de nombreux efforts. Le mari sortit le bout de son nez : une demi-douzaine d'hommes vêtus de vestes et casquettes brunes lui faisaient face, fusil à l'épaule, torche à la main. Une lueur mauvaise brillait dans leurs yeux.
Il avertit sa femme et sortit, prêt à défendre sa vie et celle de sa famille. Derrière lui, sa femme et leur progéniture s'apprêtaient à prendre la fuite.
L'un des hommes pris alors son fusil et l'arma. Le mari se jeta sur lui, luttant pour devier le canon de l'arme de sa famille. Profitant de la diversion, la mère entraina ses petits loin du danger.
Un second assaillant dégaina et tira. Les plombs atteignirent la jeune mère au dos qui s'effondra sous le coup.
Désespéré, le veuf se jeta sur l'assassin, mais son premier adversaire, ayant abandonné son fusil pour un couteau, lui entailla la chair au flanc et le courageux s'effondra dans la poudreuse.
Le condamné souffrait, agonisait. Il se traina vers l'endroit où sa femme était tombée. Son sang chaud s'échappait de la large blessure et teintait la blanche neige d'un rouge pâle. La vie le quittait peu à peu, mais il continuait d'avancer : il voulait partir aux côtés de sa femme. Les jumeaux étaient près de la dépouille de leur défunte génitrice. Ils ne comprenaient pas ce qu'il se passait.
Les six inconnus suivaient le père agonisant du regard, tels des vautours affamés. Ils souriaient, fiers de leur exploit honteux.
Puis, la vie quitta le corps du malheureux vaincu.
Trois jours plus tard, on pouvait admirer les deux petits dans une des cages du cirque auquel ils avaient été vendus. Quant aux parents, leurs restes pourrissaient sur le sol humide de la forêt, et derrière une vitre de verre, dans une rue richement décorée, se trouvait un petit écriteau sous un vêtement chaud :
" Manteau en véritable fourrure de loup. "
Si chez vous se trouve un être dont vous avez acheté la liberté, ou un apparât ayant coûté une vie,
prenez le temps de le regarder et de vous demander ceci :
" Qui est la bête dans tout cela ? " |