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Geneworld.net>Fan-fictions>Z-shadewolf>Une vie de mensonges.

03 - SA RÉPONSE ; UN JOUR TRÈS SPÉCIAL PAR Z-SHADEWOLF

*Biiip* " Lubio ? C'est Erine. S'il te plait, reviens ! Je m'excuse, je ne le referai plus ! "

*Biiip* " C'est Erine. Je t'en prie Lubio, appelles-moi ! "

*Biiip* " Lubio, pitié, arrêtes de me torturer ! Parles-moi ! "

Il écouta distraitement ces messages, plongé dans son livre, ainsi que les neuf autres de la même sorte que la jeune fille avaient laissés sur son répondeur en l'espace d'une heure. Il avait mal, et au corps, et au coeur. Que devait-il faire ? Ce livre ne donnait aucun conseil ! Juste des indications sur la pratique, sur comment faire, mais rien sur ce qu'il ressentait. Etait-ce ça, la curieuse sensation dont sa mère lui avait parlé il y a des années ? Etait-ce ça que le monde appelait « amour » ? Quoi que cela puisse être, il n'y était pas préparé et cela le bouleversait.

" Bon sang ! " pensa-t-il en refermant son livre, " Comment réagir !? "

Au même instant, le téléphone sonna encore une fois. Et cette fois-ci, il décrocha.

" Erine, " dit-il sans laisser parler la voix sanglotante, " attends-moi sous ton balcon dans une dizaine de minutes. J'arrive. "

Puis il raccrocha sans plus attendre, rangea le livre dans sa cache et sortit en apportant leur repas à ses chiens.

Où était-il ? Cela faisait déjà onze minutes qu'elle l'attendait, tournée vers la vallée, sous son balcon. Il n'était jamais en retard d'une seule seconde d'habitude, alors pourquoi maintenant ?
Erine sentait la peau de ses joues se tirer à cause des larmes salées qu'elle avait versées lorsqu'il l'avait abandonnée. Elle s'inquiétait de ce qu'il voulait lui dire : qu'elle était trop différente pour que cela marche entre eux; qu'il avait déjà offert son coeur à une autre; qu'il voulait juste être son ami et rien de plus. Elle sentit une douloureuse rancoeur monter en elle et frappa du poing contre la pierre de la bâtisse.

" Par Valkia ! Qu'est-ce qui m'a pris !? Comment ai-je pu croire que ma vie pourrait être normale !? Il était gentil, il était mon ami ! Et moi, comme une idiote, je le perds parce que je ne sais pas me tenir ! Vraiment... "

Elle ne put rien dire d'autre : ses pleurs recommençaient et ses sanglots la rendaient muette. Elle tomba à genoux.

" Erine... "

Elle sursauta. Ce murmure, plus semblable au vent qu'à une voix humaine, l'avait ramenée à elle. Elle tourna la tête et le vit debout, derrière elle, lui offrant sa main droite dans une attitude impassible. Elle y posa sa paume et se sentit attirée vers le haut. Son visage était au même niveau que celui du garçon : il avait glissé sa main gauche dans son dos et l'avait élevée à sa hauteur.

" Lubio... " murmura-t-elle, le regard larmoyant.

De sa main libre, il essuya doucement les vestiges des larmes qu'Erine avait versées pour lui. Puis, prenant le menton fin de la jeune fille entre son pouce et son index, il attira ses fines lèvres jusqu'aux siennes. Son coeur explosa d'une joie douloureuse et indescriptiblement heureuse. Elle en aurait pleuré de joie s'il lui avait resté des larmes. Elle passa ses bras autour du coup du jeune garçon, de son jeune garçon, et resserra son étreinte. Plus jamais elle ne le lâcherait, elle s'en fit la promesse.
Lubio la reposa à terre, rompant leur baiser, et la regarda avec tendresse. Elle passa ses bras autour de son torse et le serre du plus fort qu'elle le put.

" Ca... veut dire que tu m'aimes aussi ? " demanda-t-elle avec émotion, bien qu'elle en ait la certitude.

" Oui. " répondit-il tout bas en déposant un baiser dans sa chevelure soyeuse.

Elle le regarda, le visage illuminé d'un sourire exprimant tout son bonheur. Seulement alors elle remarqua que son amant avait changé de coupe de cheveux depuis sa fuite : maintenant, une grande mèche noire masquait la moitié droite de son visage. Elle voulut l'écarter, pour pouvoir admirer pleinement ses traits, mais il tourna vivement la tête.

" Non. " dit-il simplement.

Erine se sentit envahir par une vague d'incompréhension. Il la regarda en face et expliqua :

" C'est une... une sorte de tradition familiale : lorsqu'on trouve l'âme soeur, on devient une partie d'elle et elle une partie de nous. Ca, " dit-il en désignant son visage caché, " c'est la preuve que mon âme est à toi, et tu ne dois jamais l'effacée ou nous serons séparés. "

En voyant la lueur qui brillait dans son oeil, elle comprit qu'il tenait énormément à cette tradition. Alors elle l'accepta.

Le temps passa, les jours, les semaines, et chaque instant passé l'un près de l'autre était une source de joie. Cependant, plus elle passait du temps avec lui, et plus Erine se posait des questions sur le jeune garçon : où se rendait-il les soirs où il la quittait si précipitamment ? Pourquoi refusait-il systématiquement de l'accompagner aux messes de la Tanja chaque semaine ? Quelle était la raison qui le forçait à éviter certains sujets de conversation, des sujets importants, comme la lutte contre les démons bestiaux ?
Et puis, pourquoi ne s'approchait-il jamais des écuries, même au côté de la jeune fille ? Avait-il peur des chevaux ?

Le quinzième jour du neuvième mois arriva, un jour très spécial pour Erine. Dès son réveil, elle enfila une robe de chambre de soie violette, longue jusqu'au sol, accourut dans la salle de réception et s'attabla près de son père le teint rose.

" Bonjour, père. " lança-t-elle gaiement.

Sans même accorder un regard à sa fille, le marquis déposa une liasse de billets sur la table puis agita la main dans sa direction, comme s'il chassait une mouche agaçante. Le regard d'Erine s'assombrit : qu'espérait-elle ? Qu'il s'intéresse à elle aujourd'hui plus que d'habitude ? Plus que chaque année ?
Elle se mordit la lèvre en se maudissant d'être aussi stupide. Elle fourra la liasse dans la poche gauche de sa robe de chambre, prit un plateau de viennoiseries devant elle et retourna à sa chambre d'un air fier et hautain. Là, elle verrouilla sa porte, lança sa robe sur un fauteuil, s'allongea sur la couverture mauve de son lit à baldaquins et compta l'argent en grignotant : quinze mille Volgas, voilà toute la valeur qu'il lui accordait, lui qui était si riche.

" Quelle générosité. " dit-elle ironique, à voix haute.

Au même instant, quelque chose frappa contre la vitre de sa porte-fenêtre, la jeune fille leva la tête : son balcon était vide. Elle alla ouvrir le loquet, abaissa la poignée et sortit dans la fraîcheur matinale.

" Belle journée, tu ne trouves pas ? " dis sur sa droite une voix qu'elle ne connaissait que trop bien.

Erine se tourna vers le garçon et se jeta à son cou.

" Oh, Lubio ! Tu es là ! Je suis si contente ! " s'écria-t-elle en se frottant contre le corps de son amoureux.

" Mais, mais, mais... " bégaya ce dernier en rougissant à vue d'oeil, " Mais arrêtes ça ! Tu es en petite tenue ! "

Il était vrai que sa chemise de nuit ne descendait même pas jusqu'à ses genoux.

" Mmh ? Pourquoi ? Tu n'aimes pas ? " le taquina-t-elle.

" Kh ! Tu n'es pas sérieuse. " dit-il en tournant son regard vers le ciel nuageux, " On avait passé un marché : tu arrêtais de faire ça et moi je ne t'appelais plus « petite princesse ». "

Erine fit une moue rieuse et alla s'habiller. Lorsqu'elle ressortit, portant un jean et une tunique verte à manches longues, elle demanda :

" Alors, ça te va comme ça ? "

" C'est très bien. " dit-il en la regardant de haut en bas, ayant récupéré ses couleurs habituelles, " Ah, avant que j'oublis... "

Lubio passa sa main droite dan le dos de la jeune fille, se pencha sur elle et l'embrassa longuement. Elle s'abandonna à cet instant de délice. Lorsqu'il se redressa, elle poursuivit ses lèvres pour lui voler encore quelques baisers, puis ils restèrent enlacés, elle la joue sur son épaule et lui lui murmurant à l'oreille :

" Joyeux anniversaire. "

" Où étais-tu ces trois derniers jours ? Tu ne m’as même pas appelée ! " se plaignit Erine, accrochée à son bras.

Ils étaient en train de descendre la pente de la colline.

" J'étais... occupé. " répondit le garçon d'un ton incertain, " Tu veux faire quelque chose en particulier ? "

Il changeait encore de sujet. Elle avait l'habitude, après tout. Au moins il était là avec elle.

" Si on allait à la Tanja ? " proposa Erine en sachant d'avance quelle serait la réponse.

" Euh... " fit semblant d'hésiter Lubio, " non. Joker. "

Erine pressa un peu plus son flanc contre celui du garçon et se fit charmeuse.

" Alors, allons chez toi... " susurra-t-elle à son oreille.

" JOKER ! " réitéra Lubio avec empressement.

La jeune fille sourit : ça y est, il était tombé droit dans son piège; il avait utilisé tous ses jokers de la journée. Il ne pouvait pas refuser sa prochaine offre, qui était initialement ce qu'elle avait l'intention de faire aujourd'hui. Elle s'amusait énormément à le mener ainsi par le bout du nez.

" Bon, alors je veux - et je te rappelle que tu n'as plus de jokers - que tu m'accompagnes toute la journée : on ira d'abord essayer des tenues à Valkia, puis on ira au cinéma de Centos. Ils passent un film d'horreur ce midi. "

Le garçon soupira : il avait l'impression de s'être encore fait avoir.

" Oh, allez... " dit Erine en riant et en déposant un baiser sur sa joue, " s'il te plait. Et puis, s'il reste de l'argent, " - elle agita les quinze billets jaunes sous le nez de son amant - " je te promets qu'on ira à Minos acheter un gâteau. "

Le garçon la regarda alors d'un air réjoui, une lueur gourmande au fond de l'oeil, et l'embrassa pour la remercier. Erine se félicita intérieurement de la facilité avec laquelle elle lui faisait faire tout ce qu'elle voulait.

Erine et Lubio passèrent des heures dans les boutiques de vêtements, elle essayant robes, t-shirt, pulls, chapeaux et écharpes - car l'hiver approchait -, et lui servant de juge à ce défilé de couleurs chatoyantes. Finalement, la jeune fille acheta un pull en laine bordeaux à col montant qui moulait ses formes, car c'était l'article qui suscitait chez son amoureux la plus vive réaction - à savoir une perte de voix et de conscience de soi momentanée, jusqu'à ce qu'elle vienne le secouer par les épaules en riant -. Elle adorait lui faire perdre la tête et tester ses limites.
L'heure du film vint, ils arrivèrent juste à temps au cinéma et Erine s'approcha de la caisse.

" Deux places pour « l'Attaque du démon mutant » s'il vous plait. " dit-elle à l'ouvreuse.

" Deux ? Vous êtes accompagnée, Mademoiselle Ratch ? " demanda cette dernière.

" Oui, " répondit Erine en souriant, " il est là-bas. "

Elles se retournèrent toutes les deux vers Lubio qui reprenait son souffle, appuyé contre un arbre de l'autre côté de la rue. La course ne lui réussissait pas.

" Ah... " fit la femme avec dédain, perdant son sourire.

Erine nota ce changement d'attitude - le même qu'avaient tous ceux qui se trouvaient face à Lubio - et profita que personne ne puissent les entendre pour questionner la trentenaire à voix basse :

" Pourquoi tout le monde le traite-t-il avec mépris ? "

" Comment ? " s'étonna l'ouvreuse, " Vous ne savez pas ? " puis elle se ressaisit, " Non, bien sûr que vous ne savez pas : vous êtes trop jeune. "

" Qu'est-ce que je ne sais pas ? " interrogea Erine.

La femme se mordit la lèvre : elle semblait avoir trop parlé d'un sujet tabou.

" Je suis navrée, Mademoiselle Ratch, je ne peux rien dire... Peut-être devriez-vous demander à votre père le Marquis, ou bien à... " - son regard se posa froidement sur le garçon - " ... lui. Mais si je peux me permettre un conseil, Mademoiselle, fuyez-le vous aussi : il n'est pas de ceux qu'on peut fréquenter. "

La jeune fille fut indignée de savoir que de simples « on-dit » soient à l'origine de l'exclusion sociale de son amant si tendre et si gentil, mais en même temps elle était dévorée par la curiosité : quels étaient donc ces « on-dit » ? Y'en avait-il de vrais ? Elle savait que son père qui l'ignorait déjà en temps normal ne lui dirait jamais rien, alors elle se promit de poser ces questions à Lubio lui-même. Mais plus tard. Aujourd'hui, c'était son anniversaire et elle voulait passer des moments intimes avec son amoureux, même si c'était un criminel...
Elle secoua la tête pour chasser cette idée. Lui, un criminel ? Lui qui ne veut même pas tuer le moindre insecte, qui ne s'énerve jamais, qui vit presqu'au ralenti, un criminel ? Et puis quoi encore ?!

" Viens ! " cria-t-elle à son compagnon, " On va rater le début, vite ! "

Lubio traversa la rue en vitesse - personne ne circulait à cette heure de la journée - et emboita le pas à Erine. Lorsqu'il passa devant la caissière, elle lui jeta un regard froid et méprisant. Il le lui rendit d'un air sauvage.


" Au secouuurs ! A moiii ! " hurlait la jeune femme à l'écran.

" Cours ! " lui cria Erine.

Elle pouvait crier sans crainte : ils étaient les seuls spectateurs dans la salle. La jeune fille avait choisi exprès d'aller à une séance à l'heure du déjeuner et de prendre des places pour le moins bon film de l'établissement afin de minimiser le nombre de trouble-fêtes. Elle espérait qu'ainsi, isolés et dans le noir, Lubio la prendrait par l'épaule, l'embrasserait, et peut-être même irait plus loin dans ses caresses. Seulement voilà : la moitié du film venait de passer, et rien. Il n'avait rien dit, rien tenté, depuis le début de la projection il n'avait pas bougé.
L'occasion d'obtenir un peu de tendresse se présenta à Erine, l'image du monstre venait d'apparaître : son corps était velu et par endroits couvert de croûtes verdâtres, son torse puissant et disproportionné soutenait des bras ridiculement chétifs ainsi que trois longs cous couverts de fourrure, chacun se terminant par une affreuse tête déformée de canidé aux crocs jaunes et longs d'une trentaine de centimètres.

" Le loup du marais ! " s'époumona le héros, un brun aux cheveux bouclés.

La jeune fille saisit l'opportunité au vol : elle cria joyeusement de peur et se jeta sur le bras de Lubio. Ses muscles étaient anormalement durs. Elle parcourut alors son bras du regard et vit qu'il était extrêmement crispé, les ongles enfoncés dans l'accoudoir. Elle leva son visage vers le sien : il serrait les dents, l'air furieux.

" Lu...bio...? " murmura-t-elle, inquiète.

Elle sursauta et s'éloigna de lui : il avait vivement tourné la tête vers elle et, avant que son visage ne redevienne détendu, l'espace d'une fraction de seconde, Erine avait aperçu une lueur de rage et de haine briller tout au fond de son oeil. Elle en avait ressenti un immense sentiment de gêne et de mal-être qui la tint éloignée de son amant le reste de la séance. Ce ne fut que plus tard, en y repensant longuement, qu’elle put identifier ce sentiment : ce qu'elle avait ressenti, à cet instant, c'était la peur. La vraie peur.
Lubio insista pour qu'ils sortent avant la fin du générique. Il avait besoin de prendre l'air.

" Je suis navré, " dit-il à Erine après quelques minutes, " je dois partir maintenant. "

" Mais pourquoi ? " demanda la jeune fille, attristée, " J'ai fait quelque chose de mal ? "

" Non, non. " la rassura Lubio, " Tout a été parfait. Tu as été parfaite. Je suis désolé de finir trop tôt cette journée, je me rattraperai. "

" Mais Lubio, il reste encore le gâteau. Regardes : " - elle sortit son argent de sa poche droite - " quinze milles, moins huit milles, moins mille : il reste assez de Volgas pour acheter trois bons gros gâteaux ! Ne t'en vas pas avant, pas maintenant. "

Le garçon lui sourit tristement.

" Je suis désolé. " répéta-t-il.

La déception d'Erine se lut sur son visage. Elle s'approcha du garçon pour l'embrasser, pour lui dire au revoir, mais il tourna la tête et n'offrit que sa joue aux lèvres douces de la jeune fille. Elle recula d'un pas, le regard blessé et interrogateur. Elle se sentait rejetée.

" Pardon... " souffla simplement Lubio.

Puis il plaça dans la main de son amante le sac en papier qui contenait son pull bordeaux et s'éloigna d'elle, sans se retourner.


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Volga : la monnaie de la région dans laquelle se déroule l'histoire.
1 euro vaut environ 100 Volgas.

Tanja : lieu du culte voué aux Trois Grands : Valkia, Minos et Centos.
( plus de détails sur la légende dans quelques chapitres )


Le calendrier dont se servent les protagonistes de cette histoire est détaillé en dix mois, eux-mêmes séparés en trois semaines de dix jours. Plus de précision au prochain chapitre.

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