Le jeune homme courait dans le boyau sombre, pataugeant dans l'eau sale et croupie. Ses cheveux argentés flottaient dans son sillage, s'agitant à chacune de ses enjambées.
Une silhouette apparut soudain devant lui, surgissant d'un tunnel adjacent situé à une trentaine de mètres en avant.
" Par ici ! " cria l'homme en uniforme bleu, portant la main à sa ceinture, " Il est là ! "
" Abattez-le ! " hurla un autre homme dans le dos du fugitif.
Trois coups de feu retentirent ; le garçon sauta avec grâce sur sa droite, tournant sur lui-même comme une toupie. Une balle lui entailla la joue gauche. Sans perdre son élan, il prit appui sur le mur gris sale, lisse et incurvé, et bondit vers un autre tunnel qui s'enfonçait sur sa gauche à quelques pas de lui.
Le jeune homme continuait de courir, tournant à gauche, à droite, encore à droite. Il riait dans sa course : cette poursuite durait depuis à peine deux heures que déjà les policiers étaient sur les rotules.
Quels êtres fragiles. Presque aussi fragiles que stupides. Comment pouvaient-ils s'imaginer qu'ils réussiraient à l'attraper ici, dans les égouts, sur son propre territoire ?
Décidemment, ces humains étaient bien décevants.
Il s'arrêta dans une glissade, éclaboussant les parois du tunnel sur quelques mètres, et tendit l'oreille. Il entendait les halètements de ses poursuivants et les cris d'encouragement de leur chef. D'après ses estimations, ils devaient se trouver à deux cents mètres derrière lui, deux embranchements sur sa droite. Le garçon passa sa main gauche dans sa chevelure, l'ébouriffant un peu plus, puis toucha sa joue et regarda ses doigts. Du sang. Une des balles avait dû l'entailler...
Ses lèvres s'étirèrent en un sourire agressif, découvrant ses canines qui s'allongeaient visiblement. Elles étaient déjà deux fois plus grandes qu'à la normale. Il sentait son sang s'agiter. Tout cela était follement amusant : a dernière personne à l'avoir blessé jusqu'au sang, c'était ce détective un peu trop collant. Folg...
" Allez ! " résonna la voix lointaine du chef policier, " Courage ! On va le coincer ! "
Le garçon était au paroxysme de l'excitation. Ce type... il était différent. Tous ses prédécesseurs auraient déjà abandonné, mais lui semblait refuser son échec.
Alors comme ça, il voulait vraiment l'affronter...?
Le garçon plaqua sa main droite sur son visage. On ne voyait plus que son oeil droit, la pupille dilatée, briller dans l'espace laissé entre son pouce et son index.
" Alors, " murmura-t-il en ricanant, " tu veux vraiment m'arrêter...? Et bien viens, je t'attends... "
Il fit deux pas sur sa gauche et disparut dans un renfoncement sombre. Une vingtaine de secondes plus tard, les policiers passèrent devant lui en courant et en boitant, suivant leur chef, un homme grisonnant d'une cinquantaine d'années, qui tentait tant bien que mal de masquer son épuisement à ses hommes. En tant que leur supérieur, il se devait de montrer l'exemple.
De sa cachette, le garçon aux cheveux d'argent compta ses poursuivants : deux, six, dix, douze...
" Pfff ! " pensa-t-il avec un rictus méprisant, " C'est pitoyable... La moitié d'entre eux a déjà renoncé. "
Il surgit sans bruit des ténèbres et se plaça au centre du tunnel. Il n'en pouvait plus. Il tremblait tant il avait du mal à se contenir. Il joignit les mains, fit craquer ses phalanges et se pencha vers l'avant comme un sprinteur dans les starting-blocks.
*clic*
Un frisson parcourut le dos du fugitif. Le métal froid d'une arme appuyait contre sa nuque.
" Ne bouge plus. " ordonna une voix jeune et grave dans son dos.
Il tendit l'oreille. Les battements de coeur de cet homme étaient rapides et pourtant son souffle était régulier : il était jeune et certainement surentrainé. Le garçon écouta plus attentivement : l'homme n'était pas seul, vingt-cinq autres coeurs battaient derrière lui.
" Chef ! " cria un autre homme à l'adresse du groupe de tête, " Il est là ! Comme vous 'aviez dit ! "
" Debout ! " ordonna le premier agent en enfonçant le canon de son arme dans la chevelure du garçon.
Ce dernier s'exécuta en silence, maudissant son impatience. Mais d'un autre côté, il était ravi : cette fois, ses adversaires étaient dignes de son intérêt.
" Et moi qui croyait que vous aviez abandonné. " railla le captif à leur égard.
" La ferme, démon ! " vociféra le policier en appuyant un peu plus fort le canon froid contre le crâne de sa cible.
" Du calme, capitaine. " dit la voix de son supérieur, " Ne vous énervez pas. Ne lui faites pas ce plaisir. "
Le quinquagénaire avança vers le garçon ; ses hommes, essoufflés, formaient un mur derrière lui sur plusieurs rangées. Leur cible était prise en sandwich, totalement piégée. Nul ne pouvait plus douté de leur victoire.
" Ainsi, " fit l'homme au long manteau noir, " c'est toi, Fang. "
Le dénommé eut un sourire narquois.
" Oh, vous me connaissez. Je suis flatté... "
" Il n'y a aucun mérite à te connaitre, Fang. Ce serait même tout le contraire. Mais je dois avouer que je m'attendais à autre chose... "
Le garçon examina le meneur de chasse : il portait son insigne sur la droite de son pardessus - il était donc gaucher -, son visage n'était que peu marqué par le temps et une lueur de grande intelligence et d'une haine immense luisait dans ses yeux bleus. Cet homme exhalait le mystère et la volonté, et son intellect semblait tel qu'il aurait presque put ressembler à celui de Folg.
Et cette colère... Il devait lui en vouloir personnellement...
" Et à quoi vous attendiez-vous ? " demanda Fang d'un ton insolent et amusé, " A un monstre ? "
" Tout du moins, à un adulte. Je n'aurais jamais pu imaginer que l'assassin aux crocs rouges, celui qui a massacré plus de deux cents agents des forces de l'ordre, n'était en fait qu'un gosse. "
L'air malsain du boyau souterrain était rempli de tension. Chaque policier semblait nourrir une rancoeur féroce envers Fang : ce n'était plus qu'une question de temps avant que la situation ne dégénère.
" Bon, " fit ce dernier en baillant, " c'était marrant mais je commence à m'ennuyer. "
Il avança d'un pas mais fut immédiatement rappelé à l'ordre par celui qui le tenait en joue.
" H... Halte ! "
" Du calme, Makson. " dit calmement l'homme au pardessus en dégainant, imité par tout les autres agents, " Il n'ira nulle part. "
Un déclic se fit dans l'esprit de Fang. Un sourire apparut sur son visage, découvrant ses crocs : ça y est, il avait trouvé une porte de sortie dans cette impasse.
" Makson, hein ? " déclara le garçon aux cheveux argentés, " Je me souviens de toi... et de ton frère... "
" La... La ferme ! " grogna l'agent.
" Si je ne me trompe pas, " poursuivit Fang comme s'il n'avait rien entendu, " vous participiez tous les deux à la grande chasse d'il y a trois mois... "
" Je t'ai dit de te taire ! " cria l'homme, hors de lui.
" Et toi, tu l'as abandonné... tu l'as laissé seul... Quel lâââche... "
" Je... Je... Tu... " enrageait le policier à bout de nerfs, les yeux baignés de larmes de fureur.
" Makson ! Ca suffit ! " gronda son supérieur en pointant son pistolet sur le front de Fang, " Et toi, silence ! "
Ce dernier sourit malgré la menace. C'était terminé.
" Enfin, mieux vaut être un lâche et vivre dans la honte qu'être mort. Entre nous, Makson, j'avais cru un instant que ton frangin était courageux. Mais si tu l'avais vu ! Ha ha ha ! Il tremblait comme une feuille dans la tempête ! Un peu comme tous tes amis, ici... "
Le garçon entendit l'agent armer son percuteur. Il tendit ses muscles.
" Finalement, ce n'était peut-être pas du courage : ton frère était juste stupi... "
*PAN*
Le canon de l'arme du capitaine fuma. L'homme au pardessus noir s'effondra en criant, observé d'un oeil triomphant par Fang qui s'était accroupi juste avant que le coup ne parte.
Tout s'enchaina en une fraction de secondes : les cinquante policiers ouvrirent le feu sur l'assassin aux crocs rouges. Il s'agenouillait, bondissait, basculait sur lui-même avec la grâce d'un danseur de ballet. Les parois du tunnel étaient couvertes d'impacts de balles et de sang, les hommes en uniformes s'écroulaient les uns après les autres, abattus par leurs propres collègues, le visage à jamais figé dans une expression de terreur stupéfaite.
Fang arrêta de virevolter : il ne restait plus aucun adversaire vivant. Debout, les pieds baignés par le sang des agents qui s'étalait en une gigantesque mare, il se mit à rire.
Un rire nerveux.
Un rire triste.
Un rire de dément.
Il se tut soudain et abattit son regard sur le cadavre encore chaud du meneur de chasse. Il était allongé sur le dos, les bras en croix, les yeux écarquillés. Un mince ruisseau rouge s'échappait encore de sa gorge, là où l'avait touché Makson avant d'être criblé par les balles perdues de ses collègues.
Il s'observa ensuite : ses vêtements étaient déchirés de partout et maculés de sang. Fang s'accroupit et ôta le manteau du corps du chef de la brigade.
" Il n'en aura plus jamais besoin. " pensa-t-il.
Il l'enfila, ferma les boutons et s'admira dans le miroir sanglant. Parfait.
Il remarqua alors une lueur sur son torse. Il y porta sa main gauche et retira l'insigne dorée.
" Inspecteur W. Roch... " lut-il sur la plaque. Puis il dit à l'adresse de la dépouille de son propriétaire, " Je suis vraiment navré... "
Le garçon avançait dans le tunnel obscur, faisant sauter l'insigne entre ses doigts et la rattrapant au vol. Il se sentait extrêmement frustré. Il ne s'était pas battu, il n'avait pas porté un seul coup : une fois de plus, ses adversaires s'étaient eux-mêmes supprimés. Son sang bouillonnait encore dans ses veines et il n'était pas près de se calmer.
*clash*
Fang fit un bond en arrière : une rangée d'énormes dents pointues venait de se refermer là où se trouvait sa main une seconde plus tôt.
" Et bien, " ricana le garçon en souriant, découvrant ses crocs toujours grandis, " tu as bien failli m'avoir... "
Un crocodile rampa hors d'un tuyau surélevé et atterrit lourdement sur le chemin de Fang. Il était énorme, au moins cinq mètres de long pour deux de large : il prenait presque la moitié de la largeur de l'égout.
Le reptile émit un grondement guttural et profond, ouvrant grand la gueule. La plaque de l'inspecteur tomba sur le sol, tranchée nette.
Fang plaqua sa main sur son visage. Il avait besoin de se défouler et ce prédateur, bien mal inspiré de s'attaquer à lui, ressemblait à une occasion inespérée.
" Tu tombes bien... " souffla-t-il à la bête, " Je commençais à avoir faim... "
Le monstre reptilien fit claquer sa mâchoire et se rua sur l'humain toutes dents dehors.
Un mince tapis de nuages masquait le ciel nocturne. Sans lune pour les éclairer, les ruines des vieux quartiers de la ville - laissées à l'abandon après la grande guerre - étaient envahies par les ténèbres.
Dans une rue ravagée aux immeubles insalubres, une silhouette avançait sur le trottoir défoncé. Une silhouette grande et mince, enveloppée dans un long manteau si noir qu'on l'aurait cru taillé dans l'obscurité elle-même. Elle marchait d'un pas égal, portant régulièrement sa main droite à la bouche, sans prêter attention aux dizaines d'yeux qui la regardait avec une envie jalouse dans chaque impasse.
Des sans-abris. Il y en avait tant ici. Personne ne les voyait car ils se cachaient, honteux de leur misère et de leur immondice, mais ils étaient bien présents. Bien présents et en tel nombre qu'il n'y avait même pas, dans ce quartier délaissé par les services de nettoyage depuis des années, assez de poubelles pour tous les nourrir ou les abriter.
La silhouette s'arrêta : elle avait aperçu quelque chose étendu en travers de la chaussée désaffectée. Quelque chose de petit et d'isolé. Quelque chose d'immobile. Quelque chose avec un petit coeur qui battait faiblement. Elle s'approcha du petit être et s'agenouilla. Il était torse nu, le bas du corps enfoui sous un tas d'ordures.
" Hé, " dit-elle d'une jeune voix masculine, " hé, réveille-toi. "
Le petit être frissonna - c'était le printemps et les nuits étaient encore fraîches - et toussa. Il sortit de sous les poubelles en rampant et s'assit face à celui qui l'avait réveillé, le dos voûté. Le jeune homme ne put s'empêcher un léger mouvement de recul, un de ces mouvements que l'on a par réflexe à la vue d'une chose écoeurante et effroyable : c'était une petite fille au corps sale, aux cheveux longs jusqu'au nombril et couverts d'une crasse noire sous laquelle on devinait leur blondeur. Son visage était fin et innocent, ses paupières entrouvertes laissaient voir deux iris azur, inexpressifs, soulignés de sillons salés qui descendaient le long de ses joues maigres.
Ces marques de tristesse étaient si profondes, si intenses, qu'elles semblaient faire partie intégrante de ce visage enfantin.
Le jeune homme s'approcha de la petite fille et abaissa son regard : elle était presque nue, de quoi attraper la mort par ce temps. Elle ne portait en tout et pour tout qu'une jupe immonde et déchiquetée lui arrivant au-dessus des genoux ainsi qu'une paire de bottines éventrées trois fois trop grande pour elle.
" Tu as faim, petite ? " demanda le garçon d'une voix amicale en remarquant l'enfant loucher sur la viande rôtie qu'il tenait dans sa main.
La tête de la petite vacilla faiblement d'avant en arrière. Le garçon lui tendit la nourriture et la regarda manger. Elle était affamée, mais elle resta méfiante : elle ne le quitta pas des yeux un seul instant.
Il comprenait son comportement : elle ne devait pas avoir plus de dix ou douze ans et elle ne connaissait de la vie que son côté le plus sombre et le plus douloureux.
" Comment tu t'appelles ? " demanda-t-il d'une voix douce.
Elle ne lui répondit pas. Il se leva alors et entreprit de déboutonner son pardessus. Il devait la réchauffer ou elle finirait certainement par mourir de froid. De plus, même si ce n'était qu'une enfant, sa quasi-nudité le dérangeait.
La petite fille l'imita et se releva, la tête basse. L'air résigné et abattu, elle commença à relever le bas de sa jupe en lambeaux.
" Mais qu'est-ce que tu fais ? " questionna le jeune homme, une boule dans la gorge, craignant de connaître la réponse à cette question.
" Ca va... " fit la fillette d'une voix effacée, " Je connais le truc : vous êtes pas le premier. "
Le garçon fut parcouru d'un frisson d'horreur et de dégoût. Sentant son sang commencer à s'agiter rageusement dans ses veines, il recula et jeta un regard furieux aux alentours, comme si les coupables de ces actes étaient là, tapis dans l'ombre, n'attendant que l'occasion de réitérer leurs méfaits.
Il s'approcha de la fillette d'un pas mal assuré - il n'arrivait plus à marcher droit tant il tremblait de colère - et posa sa main droite sur la tête sale de la malheureuse.
" Rhabille-toi gamine. On s'en va. Je t'emmène avec moi. "
Il enveloppa l'enfant dans son pardessus et la souleva de terre. Elle ne disait rien. Certes, elle avait peur, mais elle avait déjà appris par le passé qu'elle était trop petite et trop faible pour pouvoir résister à un adulte. Et puis, elle ne savait pas pourquoi, mais cet étranger - aussi effrayant et dangereux qu'il puisse paraître avec ses vêtements déchirés et sanglants - lui donnait une impression agréable. Une impression qu'elle n'avait jusqu'alors jamais ressentie. Une impression de sécurité.
Le garçon descendit la rue pendant une dizaine de minutes. Il commençait à se rapprocher des nouveaux quartiers, certains signes ne trompaient pas : notamment la disparition d'ordures sur la chaussée, remplacées par des lampadaires et des véhicules garés.
Il s'arrêta. La petite dormait à moitié, le bras gauche ballant dans le vide. Il la secoua un peu pour la réveiller.
" Hé, gamine... "
Elle ramena le bras sur son ventre et tourna la tête vers le jeune homme. Elle arrivait à le distinguer maintenant, grâce à la lumière artificielle : il avait de beaux traits, une mâchoire fine et des yeux noirs et calmes. Et ses cheveux... elle n'en avait jamais vu de tels : ils étaient entre le gris et le blanc et semblaient briller comme des rayons de lune.
" Tu ne sais pas où se trouvent tes parents, n'est-ce pas... ? "
Elle secoua la tête en signe de négation.
" Dans ce cas... "
Le garçon bifurqua vers la gauche et s'engagea dans une allée sombre. Il marcha longtemps dans l'obscurité la plus totale. La petite se rendormit : elle ne craignait rien, pas même la mort, car rien ne la rattachait à cette vie. Il pouvait bien faire d'elle ce qu'il voulait, elle ne lutterait plus... Ni maintenant, ni jamais...
" Au revoir, chérie ! " cria l'homme depuis la porte d'entrée.
" Au revoir ! " lança en écho sa femme du haut de l'escalier.
" A ce soir les gosses ! "
" A ce soir, p'pa ! "
" Salut, p'pa ! "
" Travaille bien, p'pa ! "
" Au... au revoir, monsieur... "
L'homme tourna sa tête vers la droite et regarda la petite fille blonde qui se tenait près de la porte menant au salon. Elle portait des souliers noirs vernis, une robe verte et arborait un ruban rose sur le côté de sa longue chevelure dorée. Elle ressemblait à une belle petite poupée de porcelaine.
" Je te l'ai déjà dit, Sophie : appelle-moi papa. "
" Ou... Oui... papa... "
Elle eut un immense sourire gêné et se retira à l'étage, rejoignant ses six nouveaux frères et soeurs.
De l'autre côté de la rue, accroupie sur le toit d'une maison, une silhouette observait la scène avec intérêt. Elle regarda l'homme descendre l'avenue puis reporta son attention sur le premier étage du foyer : là, derrière la fenêtre, ses protégés assistaient aux leçons de leur mère adoptive. Ils semblaient tous heureux et en bonne santé, et Sophie - ainsi baptisée par Fang lorsqu'il l'avait déposée devant cette porte une semaine plus tôt - avait l'air d'apprécier cette nouvelle vie.
Le garçon versa une larme. Il était si heureux pour eux. Heureux, mais aussi triste : il était jaloux de leur destin. Lui aussi, il aurait voulu avoir une vie normale. Lui aussi, il aurait voulu être sauvé. Mais personne n'était venu pour lui - non, personne - et sa vie... était devenue ce qu'elle était aujourd'hui.
Fang se redressa, jeta un dernier coup d'oeil sur le sourire radieux de Sophie à travers la vitre, puis sur la figure de chacun des enfants, et sauta du toit aux tuiles rouges. Une fois au sol, il s'engagea dans un renfoncement étroit et sombre séparant deux pavillons et disparut. |