Chapitre 11
L’idée de Makoto



La sonnerie annonçant la fin des cours du lundi retentit au sein du lycée, et Eichi sortit en dernier de leur salle de classe puis alla rejoindre ses amis à l’entrée de l’établissement. Lorsqu’il passa le portail, il vit Setsuya et Naoki qui l’attendaient, l’un avec le sourire et l’autre faisant la moue.
-Makoto n’est pas encore là ?
-Nan, répondit Naoki. Il a subitement décidé d’aller au club de tir à l’arc.
-Ah ? Je ne savais pas qu’il était intéressé par ce sport là…
-Il m’en avait parlé il y a un moment déjà, reprit Setsuya, il disait que ce serait un bon moyen de… devenir populaire…
-Hein ?? C’est notre dernière année de lycée, pourquoi se prendre la tête à essayer d’être populaires ?
-C’est justement pour ça : les années précédentes, soit on passait inaperçus comme des gars ordinaires sans charismes, soit on passait pour des loosers. « Cette année, on doit impressionner les gens ! On va vivre une dernière année inoubliable en faisant bouger ce bahut ! », qu’il disait.
-Ah bon… Haha, je suppose qu’on n’a pas le choix, si c’est le chef qui dit ça.
-Le chef ? Depuis quand c’est le chef ?? rétorqua Naoki.
-Bah, en fait, reprit Setsuya, procédons de la manière suivante pour éclairer ta lanterne : notre quatuor est hiérarchisé en quatre places distinctes représentant notre statut ainsi que notre niveau d’intérêt…
-D’intérêt ?
-… voire de lucidité pour certains. Si tu regardes le tableau ci-contre…
-D’où est-ce qu’il sort, ce truc ?
-… on peut voir à quoi correspond notre pyramide hiérarchique avec nos places et fonctions légitimes :
-Jinseisuru Makoto : Grand Chef
-Nakamoto Setsuya : Superviseur, responsable financier et assistant personnel du Grand Chef
-Komamura Eichi : « Enjoyer », modérateur et indicateur météorologique
-Teichi Naoki : pas d’assignation
-MAIS C’EST QUOI C’TE MERDE ??
-Setsuya… tu peux nous dire d’où tu as déterré ce… cette idée bizarre ? Quand je parlais de chef je plaisantais…
-Une connerie d’un tel niveau ne peut sortir que des tréfonds de son âme torturée et bouleversée ! Je me sens outré, offusqué par une telle insulte désobligeante et irrationnelle !! C’est impardonnable ! Ne pas m’avoir assigné de fonction honorable…
-C’est plutôt toi l’irrationnel… tu dis que de la merde.
-Pour ce qui est de la fonction d’Eichi, reprit Setsuya…
-J’suis pas un objet !
-… le terme « Enjoyer », dérivé du verbe « enjoy » en anglais signifiant principalement « apprécier » est le nom donné à Eichi pour sa capacité à amuser la foule ; et « modérateur et indicateur météorologique » est la fonction donnée à Eichi pour son aptitude à prévoir les facteurs météo.
-C’est quoi ce délire ? Et puis retire ces lunettes de scientifique, tu vas faire peur à tout le monde !! Tu les sors d’où d’ailleurs ?
-T’es jamais de bonne humeur quand il fait mauvais temps. On a donc conclut que ton humeur influait sur la météo ~large smile innocent~
~DOOM~
-B…b…
-Bug ?
-BAKAAAAAAAAA !! Si j’suis pas de bonne humeur c’est parce qu’il fait moche !
-Eichi-kun ! Naoki a finalement atteint le dernier stade du syndrome de l’idiot suprême ! Il va falloir… sûrement… sûrement ! Le faire piquer !! ET POURQUOI J’AI PAS DE FONCTIONS ??
-Bah, reprit Setsuya, tu es littéralement inutile ~large smile innocent~
-GAAAAAAPS !!!
-NAOOKIIII !!! Oh mon dieu !! Il est tout bleu, il ne respire plus !! Tiens bon Naoki ! Tiens le coup !!
-I… Inu… Inutile… ~knock out !! ~
-NAOKIIIIIIIIIIIIII !!!
-Yooooo ! Comment ça va ?
-Ma… Makoto ?! T’es pas au club de tir à l’arc?
-J’y étais juste pour l’intégrer. Je ne participe pas à leurs activités aujourd’hui, je n’ai pas encore les affaires après tout, et il faut que je remplisse un dossier.
-Huuu ! On t’as manqué, c’est pour ça que tu es vite revenu !
-Héé! Naoki est déjà sur pied !
-Nan, reprit Makoto, je dois juste ramener Eichi chez lui.
-INFIDEEEELE !! J’te déteste ! BAKAAAA !!
-Hé ! Naoki ! Ne t’en vas paaaaas!
-Trop tard, on le voit déjà plus. Pourquoi infidèle, demanda Setsuya ? Vous entretenez une relation… honteuse ?
-Quoi ? Mais ça va pas ?
-Dommage, ça aurait fait un bon sujet pour du yaoi…
-Heu… de… de quoi tu parles ?
-En fait, je me suis inscrit au club d’arts, et je compte faire un manga.
-Tu voulais nous exploiter ?! Et pourquoi tu ne nous l’as pas dit ?
-Maiiiiiheuuuuu ! Je voulais vous faire la surprise !
-Dit-il d’une voix mielleuse, commenta Makoto, et prenant une position provocante incitant à le prendre dans un coin et… HAAA ! Mais c’est quoi c’te pose ?! Tu te prends pour une fille ?!
-Maiiiiheuuuu ! C’est comme ça qu’ils font dans les mangas pour faire craquer les…
-On n’est pas dans un de tes mangas louches !! coupa Makoto.
-Setsuya no baka, dit Eichi… Hum ?

Ses yeux se posèrent sur une jolie lycéenne aux longs cheveux blonds. Il la fixa inlassablement, et alors qu’il allait se retourner vers ses deux amis, la jeune femme tourna la tête et leurs regards se croisèrent ; ils étaient si profonds et intenses que les quelques secondes qui s’écoulèrent ressemblaient à de longues minutes. Aiko lui adressa timidement un sourire, et Eichi le lui rendit aussitôt. Makoto remarqua ce petit geste et ne put s’empêcher de rire légèrement.
Un peu plus tard, Setsuya salua d’un geste de la main ses deux amis qui s’en allaient en moto. Sur le chemin du retour, Eichi ne leva pas une seule fois la tête, il resta appuyé contre le dos de Makoto le regard dans le vide. Il demeura dans cet état jusqu’à l’heure du repas ; Makoto était resté avec lui pour le faire travailler un peu et lui avait proposé d’aller manger au sushi-bar de sa mère. Et même devant ses sushis, il resta de marbre. Agacé par cette attitude, Makoto ne tarda pas à réagir.
-OH ! Eichi !!
-AAH !
-Yataaaa, soupira-t-il… c’est pas trop tôt ! Qu’est-ce qu’il t’arrive, depuis tout à l’heure ?
-Hé ? Ah… euh… Hahaaa iie, betsu ni.
-Huum, j’suis pas convaincu.
-Haha… euh j’avais sommeil, déclara-t-il en souriant bêtement.
-Je te reconnais bien là, toujours à dormir. En même temps, je ne fais que venir te chercher tôt le matin. J’ai troublé ton sommeil d’ours on dirait bien… Huuu… Kuma-chan ! ~smile~
-Héé ?
-Haha ! Ca te va trop bien comme surnom ! Je t’appellerai tout le temps comme ça, à partir de maintenant !
-Baka ! Hum… En fait, il y a autre chose. Tout à l’heure, j’ai eu une sensation… une impression bizarre, quand j’ai vu une fille de la classe.
-Huuuuuu ! Elle a réveillé tes fantasmes ? Trop chouuuu !
-BAKA !! Ptain !! Pourquoi quand j’veux être sérieux vous devenez plus cons que d’habitude ?
-Ara ara, gomen ne ! C’est sans doute la bêtise de Setsuya qui m’a contaminé. Ah… concernant cette histoire, c’est quel genre de sensation que tu as eu ? Des palpitations, des sueurs froides, un frisson dans le dos, le cœur qui s’emballe… ?
-Ca ressemble plus à un coup de foudre. On dirait que tu es déjà passé par là ?
-Probablement, dit-il en souriant.
-Héhé. Faudra me dire de qui il s’agit. Mais bon, ce n’était pas ça. Je ne sais pas trop comment expliquer… Je me suis sentit nostalgique tout d’un coup, pourtant… je ne l’ai rencontrée que cette année.
-Hum huum… Encore quelque chose de spécial. Mais bon, venant de toi, ça n’a rien d’étonnant.
-Hééééé ?
-Ne le prends pas mal, mais il t’est arrivé de ces trucs depuis qu’on se connait… plus rien de m’étonne.
-Hugiiiii…
-« Hugiiiii » ?? Mha… Encore un de tes soupirs particuliers je présume. Tu regardes trop d’anime !
-Pas du tout !
-« Hugiiiiiiii » !
-Te moque pas de moi !

Il finit ses sushis, posa ses baguettes puis s’accouda sur la table. Il agita doucement sa main gauche, faisant alors sonner les deux grelots qui pendaient à un bracelet rouge. Makoto, qui avait l’habitude de voir cet étrange bijou et d’entendre le son qu’il produisait, n’y fit pas attention ; il commença à débarrasser ce qu’il y avait sur la table et, lorsqu’il retourna à sa place pour dire à Eichi qu’il allait le ramener, il remarqua que celui-ci était complètement absorbé par son propre bracelet. Il lui mit une petite tape sur l’épaule pour le tirer de sa rêverie.
-Allez, je te ramène.

Le soleil semblait déjà haut dans le ciel, et la pause déjeuner était arrivée. Eichi grimpa lentement les escaliers jusqu’au toit du lycée. Il ouvrit doucement la porte puis avança en vérifiant qu’il n’y avait personne. « J’veux pas me taper la honte comme la dernière fois… » pensa-t-il. Il s’assit ensuite près de l’entrée au pied d’un mur de la cage d’escalier, déballa son bentô puis découvrit le repas que lui avait préparé la mère de Makoto.
-Haaaaan ça a l’air trop bon ! Il faudra que je la remercie la prochaine fois. Sur ce : Itadakimaaaaaasu !
Le temps s’écoulait doucement, mais le ciel se couvrait vite de nuages. Une mélodie trottait dans la tête d’Eichi qui s’était entièrement allongé, il regardait ce ciel qui perdait de sa couleur petit à petit, et se demandait où il avait put entendre cette musique. Une bride de souvenir lui vint à l’esprit, mais elle fut si courte… et à cet instant, il entendit la porte de fer de la cage d’escalier s’ouvrir derrière lui. Il resta cependant immobile, les yeux rivés vers le soleil qui se perdait derrière les nuages et écoutant parler les élèves qui venait troubler le calme qui régnait sur ce toit. Il entendait deux voix féminines dont une qui lui était particulièrement familière. Mais il ne la reconnut pas sur le coup, il préféra alors de ne pas déranger ces deux amies et de ne pas y prêter plus d’attention, jusqu’au moment où il entendit le nom d’une de ces deux filles. Il ne se posa aucune question et décida d’aller la saluer.
-Yo, Tomoyo, Miyuki.
-Ah ! A… Ano… Konnichiwa !
-Konnichiwa, Komamura-kun. Ano… je te laisse, Tomoyo. Rejoins-moi devant la salle de cours après !
-Hé ? Miyuki !!

Cette dernière avait déjà disparut. Tomoyo était plus que gênée, elle n’osait pas engager la conversation ; et Eichi qui n’y comprenait pas grand-chose aux filles demanda du ton le plus simple du monde :
-Désolé de vous avoir dérangé, vous parliez de quelque chose d’important ?
-A… euh… Iie… pas vraim… enfin… des histoires de filles !
-Hoo ? Serait-ce quelque chose d’intime que les filles ne se disent qu’entre filles ? Ne me dis pas que… Tu aurais…
-Eichi no hentai !!
~giffle~
-ITTA !
-Ah ! Gomen ne ! Mais ne dis pas ce genre de chose, c’est embarrassant !!
-Hai, hai, sumimasen ! Tu ne veux pas me raconter de quoi il s’agit, alors ?
-Euh… en fait…
Elle baissa la tête et croisa les doigts. Ses joues rougissaient de plus en plus et son cœur s’emballait, elle commençait à trembler un peu.
-E… ano… Eichi-kun…

La sonnerie retentit à ce moment là, et Tomoyo se sentit aussitôt soulagée. Elle se calma peu à peu puis, se tournant vers Eichi, le sourire aux lèvres :
-C’est l’heure ! Dépêchons-nous, sinon nous serons en retard.
-D’accord. Pars devant, il faut encore que je range ce que j’ai laissé.
-Wakata.
Elle passa la porte en fer et commença à descendre les escaliers. Elle dévala d’abord les marches mais ralentit après avoir passé un palier, ses pas se firent lents, elle avança ensuite en posant une main sur le mur. Elle finit par s’arrêter, et baissa lentement les yeux.
-Eichi…kun…
Elle entendit quelqu’un dévaler les escaliers derrière elle, et cela lui ramena les pieds à terre. Eichi arriva vite à ses côtés, et il l’invita à continuer jusqu’à leur salle de classe avec lui.

-Au fait, j’ai entendu de Miyuki-chan que vous allez chacun intégrer un club, c’est vrai ?
-Comment sait-elle ça ?
-Elle est devenue amie avec Teichi-kun et il lui en a parlé.
-Ah, sokka. C’est une idée de Makoto. Mais je me demande si ce n’est pas trop tard, on est bientôt en Juin après tout.
-Hai. Normalement, les clubs d’activités reçoivent des membres jusqu’en Septembre.
-Sokka, c’est notre dernier mois alors.
-Tu pense rejoindre quel club, Komamura-kun ?
-Je ne sais pas encore. A vrai dire, je n’y ai pas réfléchis.

Les cours étaient enfin terminés. Eichi, comme à son habitude, dormait à moitié la tête sur son bureau, et Makoto vint le réveiller avec une tape sur la tête.
-Itte ! Qu’est-ce qui te prend ?
-C’est la fin des cours. Réveilles-toi !
-Mhooooo…
-Je vais au club de tir à l’arc, et ça risque de prendre du temps. Tu veux que je te ramène tout de suite ?
-… Non, ça va. J’ai quelque chose à faire.
-Et qu’est-ce que c’est ?
-Devine.
Il grimpa lentement les escaliers jusqu’au troisième étage, là où se situait la plupart des clubs d’activité. Il arriva devant un long couloir et put remarquer à quel point cet endroit regorgeait de vit : une multitude d’élèves s’agitait dans tous les sens et un brouhaha rendait ce couloir quelque peu bruyant. Il interpela une élève de troisième année qui semblait transporter des costumes et lui demanda si c’était comme ça tous les jours, elle lui répondit que ça se calmait après les vacances d’été et reprit sa route. Seulement, ses cartons devaient être un peu trop lourds et elle bascula sur le côté. Eichi se rua à ses côtés et l’aida à se relever.
-Attends, je vais t’aider à porter tout ça.
-Arigato…
-Il ne faut pas porter autant de choses à toi toute seule, ça pèse.
-Hai…
-Et puis tu pouvais les prendre un par un, ça aurait plus pratique.
-Ahah, je n’y avais pas pensé. Sumimasen…
-Iie, ne t’excuse pas.
La jeune femme ouvrit la porte du club de théâtre et entra, suivie d’Eichi qui se retrouvait finalement avec deux cartons sur les épaules. Ils déposèrent ce qu’ils portaient dans un coin de la salle où étaient déjà rangés une dizaine de cartons remplis de costumes et d’accessoires ; les tables et chaises de la pièce avaient été rangées contre le mur du côté du couloir. Lorsqu’il se releva, Eichi regarda autour de lui : la faible lumière du jour parvenait à peine à traverser les rideaux rabattus, seuls quelques fin rayons de lumière pénétraient la salle plongée dans l’obscurité. Le bruit d’une chaise tirée sur le sol résonna et tira Eichi de ses pensées, la jeune lycéenne s’étaient assise à côté des cartons.
-Je suis fatiguée…
-Tu as porté tous ces trucs à toi toute seule ?
-Hai, c’est fou ce que ça peut vite épuiser.
-Il n’y a personne pour t’aider ?
-Iie, je suis toute seule aujourd’hui. Il y a bien une troisième année qui vient d’intégrer le club, mais elle a eu un empêchement cet après-midi.
-Mise à part la nouvelle, il n’y a personne d’autre ?
-… Iie. Personne ne s’est encore montré…
-Comment ça se fait ?
-Hé bien… Il y a eu un accident lors du festival culturel de l’an dernier : un projecteur s’est détaché pendant la représentation, et une actrice se trouvait juste en dessous… elle est encore à l’hôpital… Depuis, personne n’ose venir au club.
-Désolé, ça doit être difficile.
-Hai. Et cette fille qui a été blessée, elle est une de mes meilleures amies. Quand on l’a emmené à l’hôpital, elle m’a demandé de ne pas lâcher le club, de continuer à le diriger, mais si on n’a pas d’adhésion avant les vacances d’été… le club sera fermé. Ano...
-Ee ?
-Est-ce que… désolée de te le demander comme ça, mais est-ce que ça te plairait de te joindre à nous ?
-Gomen, mais le théâtre, ce n’est pas tellement mon point fort.
-Sokka… c’est dommage…
Il ne répondit pas, les mots lui manquaient. Il se dirigea lentement vers la porte mais ne sortit pas tout de suite, il se retourna vers la lycéenne qui regardait ailleurs et déclara :
-Si jamais je change d’avis, je te fais signe. Ah ! J’oubliais : ore wa Komamura Eichi.
-Gekijima. Gekijima Kaoru desu, hajimemashite.
-Ee. Jâ ne !

Le modélisme, l’art littéraire, le cosplay… il visita chacun des clubs qui se trouvaient à cet étage. Il pensait intégrer le club d’art comme Setsuya et décida donc de s’y rendre, il était à l’opposé, au fond du couloir. Il passa de nouveau devant la salle du club de théâtre et y jeta un coup d’œil : Kaoru n’avait pas bougé, elle regardait tristement au travers de la seule fenêtre dont le rideau n’était baissé ; elle avait dû le relever pour que la pièce soit éclairée un minimum. La salle suivante était la salle de musique, le dernier club avant celui d’arts. Sur la porte était scotchée une feuille sur laquelle Eichi pouvait lire : «En réunion en salle des conseils. De retour dans quelques minutes. ». Curieux, il ouvrit la porte et découvrit une pièce chaleureuse : un message de bienvenue était suspendu au dessus d’un pupitre et des lustres impressionnants illuminaient la salle d’une lumière dorée.
-On se croirait presque dans un opéra…
Il vérifia rapidement s’il n’y avait personne pour le surprendre et, affichant un sourire suspect, il entra discrètement tel un voleur et referma la porte derrière lui. Il déambula entre les instruments, les observa attentivement et hésita à en essayer quelques uns comme le violon. Il se tourna ensuite vers le fond de la pièce et aperçut un magnifique piano à queue. Il s’en approcha doucement, fit glisser sa main sur le couvercle et s’installa devant le clavier. Il appuya sur chacune des touches en ivoire pour se repérer un peu au son des cordes qui vibraient et, lorsqu’il arriva à la note la plus aigüe, il la garda enfoncée pour que le son s’éteigne lentement.
-C’était quel morceau déjà ?... Ah oui, je m’en souviens : c’était dans Clannad. Haha, Makoto a peu être raison finalement, je dois trop regarder d’anime…
Il se remémora cette douce mélodie qu’il aimait tant et chercha la première note. Il mit un certain temps avant de trouver toutes les notes qu’il était capable de jouer, mais parvint finalement à jouer l’intégralité du morceau, même s’il ne jouait qu’un seule piste. Lorsqu’il eu trouvé son aise et complété la mélodie, il commença enfin à jouer.
La musique résonnait dans la salle dans un écho mélodieux. Eichi gardait les yeux rivés sur les touches d’ivoire et souriait de satisfaction. Ce morceau lui rappelait tant de souvenirs… l’interpréter lui procurait un bonheur singulier.
La porte de la salle s’ouvrit, et une élève intriguée par cette mélodie entra discrètement dans la pièce. Elle regarda Eichi avec curiosité et une once d’admiration ; il était totalement absorbé par la musique qu’il jouait et ne regardait même plus ce qu’il faisait, il gardait ses yeux clos tout en répétant inlassablement sa mélodie. Il ne remarqua même pas que quelqu’un venait d’entrer dans la salle et que cette personne le regardait. Ce n’est que lorsque deux autres élèves arrivèrent en parlant qu’il leva les yeux du clavier noir et blanc et qu’il s’interrompit. Il regarda d’abord les trois lycéennes sans trop d’expression, puis comme s’il sortait d’un rêve, parut soudain gêné. Il se releva aussitôt du tabouret de velours rouge et passa une main derrière la tête.
-Haha, gomen gomen ! Je n’ai pas pu résister… ano… Ahah…