« Owari ka ? » Il s’apprêta à partir, se retourna et déploya ses ailes, mais s’arrêta net. Ses yeux s’ouvrirent en grand, surpris.
« Tu t’en vas déjà? »
Un son de lame agitée, une valse de sang. La lame du sabre de Kira traversa le crâne de Shiku, perçant alors son œil gauche et fendant partiellement son masque.
Kira dégagea ensuite le corps du shinigami d’un coup de pied sur le torse, l’expulsant à plusieurs mètres devant lui ; le jeune homme ne s’emballa pourtant pas et fronça les sur-cils sous son masque fendu : l’autre shinigami se redressa, la main sur son œil percé qui se régénérait déjà.
« Hé bien… on dirait que tu avais finalement de l’énergie à revendre.
-Hm…
-J’espère cependant que tu ne pensais pas te débarrasser de moi aussi facilement. Enfin. Maintenant que tu as brisé mon sceau, ça va pouvoir devenir intéressant!»
Chapitre 7
Bachiatari Shiku
« Hiku ! Qu’est-ce que c’est ?
-... Bachiatari Shiku… cette aura sombre, ça ne peut être que lui. »
Les yeux de Hiku se plissèrent de colère et d’inquiétude, son expression se lit alors sur le visage de la jeune Mayu. Elle leva les yeux vers le lieu du combat, là où s’entretuaient Kira et Shiku.
« Qu’est-ce qu’il fait ici ? »
« Kira… »
Une onde de choc propulsa Kira jusqu’au dessus de la rive et le déstabilisa, une aura sombre émanait du shinigami au masque maudit et ses yeux verts luisaient dans l’obscurité. Le ruban qui tenait attachés les longs cheveux de Shiku s’effrita et disparut, libérant ainsi sa chevelure volumineuse. Il leva les yeux vers Kira, ses pupilles se dilatèrent jusqu’à que ses iris ne ressemble qu’à un fin cercle d’un vert éblouissant.
-Je ne vais pas pouvoir me retenir maintenant… C’est ennuyeux: je vais encore avoir des ennuis avec les vieux!
Le shinigami pouffa bruyamment et s’élança vers Kira. Ils s’échangèrent plusieurs coups de sabre sans jamais s’atteindre ; Shiku bloqua la lame du lycéen avec la main puis lui porta un coup vertical sur la tête. Kira s’écrasa sur le sable plusieurs mètres en dessous. Shiku le rejoignit aussitôt, et les deux êtres fantastiques entrèrent de nouveau dans une valse dont le moindre faux pas équivaut à la mort. Ils s’esquivaient et se rendaient les coups à tour de rôle, se frôlant tout juste ou entrechoquant leurs lames dans un fracas strident. Leurs mouvements étaient tels qu’ils soulevèrent un nuage de sable ; se rappelant sur quel genre de sol ils combattaient, Shiku en profita pour balancer du sable d’un geste du pied au visage de Kira, celui-ci se protégea les yeux et fit immédiatement un bond en arrière. Leur affrontement rencontrait un certain blocage. Shiku regarda la plaie de la main avec laquelle il avait paré un coup de Kira un peu plus tôt, elle finissait de se refermer ; Kira posa la main sur une entaille qu’il avait au niveau du bassin. Les deux combattants restèrent immobiles, éloignés l’un de l’autre pendant plusieurs secondes, aucun d’eux ne fit le moindre mouvement. Bonku fit alors son apparition, rendant son corps à Kira.
« Shiku, fit-il de sa voix résonnante, tu as encore besoin de ce maudit sceau pour vivre normalement, finalement.
-Ee… c’est une véritable plaie ! Je m’amuse bien plus lorsque je ne l’ai pas, comme maintenant. Ironiquement c’est grâce à toi et ton réceptacle.
-Tu n’as toujours pas comprit, malgré ce que tu as subit le siècle dernier ? »
L’intéressé se remémora quelques images désagréables de son dernier châtiment : dans le monde des humains, dans une salle humide et étroite au font d’un couloir sombre et sinistre, les poignets enchainés sur une croix, lacéré de toute part et les boyaux répandus devant lui.
« Le monde des humains est ennuyeux, reprit Shiku, c’est le seul endroit où nous connaissons la souffrance.
-C’était un véritable supplice, tu aurais comprendre qu’on ne pouvait pas jouer avec la vie des humains.
-Holà, « vous » ne pouvez pas ! A ton avis, qu’est-ce qui m’a valut ce séjour à l’ombre ? Cependant, je n’ai pas à me plaindre : ces guerres mondiales étaient si fascinantes ! Entrer dans la pensée des humains, les persuader qu’ils sont d’une race supérieure et d’organiser le génocide de toute une population, prendre leurs corps et appuyer inlassablement sur la gâchette, les regarder s’entretuer parce qu’un seul homme l’a décidé… et surtout, le massacre d’Hiroshima ! Quels spectacles ! Ca a été si simple d’influer ces stupides américains, tout comme le reste des hommes qui ont prit part à ces guerres inutiles ! Si je ne m’étais pas occupé des Japonais, je n’aurais jamais eu une telle occasion de faire tester les bombes des américains sur eux ! Je ne me suis jamais autant amusé ! Les humains sont si intéressants ! Les Allemands, les Russes, les Français, les Anglais, les Italiens… tous, ils ne peuvent s’empêcher de tuer leurs voisins pour vivre ! Quand j’y pense, je leur ai rendu un grand service : ils ont tous put sentir leurs cœur battre, ils se sont tous sentit exister. Ce sceau maudit m’a empêché d’agir à ma guise, mais maintenant que vous l’avez brisé, je vais pouvoir organiser la troisième guerre mondiale, et j’impliquerais tous les pays du monde, même les plus démunis !
-Ils ont vraiment eu raison de t’enfermer, dit sèchement Bonku. Sois sûr qu’ils te stopperont à la moindre de tes interventions, tu n’auras jamais le temps de commencer une nouvelle guerre.
-Sokka. Alors je me contenterais des guerres civiles qui sévissent en Afrique et au Moyen-Orient ! Je prendrais part à leurs conflits et les aggraverais jusqu’au jour où seule la haine régirait ce monde pourri ! Ho ! Mais dis moi : depuis quand tiens tu autant d’importance à ces animaux ? Je ne te connaissais pas aussi… compatissant ? Comment peux-tu tenir de tels propos alors que tu couve une haine incommensurable à leur égard ?
-Tous les shinigami dignes de ce nom ressentent cette colère. Nous avons tous subis des morts atroces à cause de leurs caprices et leur égo démesuré, et c’est bien évidemment grâce à eux, dit-il en insistant sur le « grâce » avec une forte ironie, que nous sommes condamnés à leur donner la mort pour l’éternité.
-Alors ? Où est le problème ? Pourquoi ne pas me rejoindre et continuer de plus belle leur extermination ?
-Ils ne sont pas tous comme ça. Beaucoup d’entre eux méritent de vivre !
-Mais ce sont eux à qui nous enlevons la vie ! Pourquoi cette injustice ? Vois la vérité en face : le monde lui-même est régit par ce déséquilibre entre le bien et le mal. Et ce mal vient des hommes ; ils créent eux même des lois malgré les dieux qui les surveillent, et ces lois reflètent leur sauvagerie et leur manque de logique ! Si nous éradiquons le mal à la source, le monde sera libéré de ce déséquilibre et de ces lois irrationnelles !
-Le mal nait des êtres dans ton genre ! Ton discours est bien différent de ce que tu nous as dis avant de nous attaquer. Ne voulais-tu pas nous arrêtions le déséquilibre entre les morts et les vivants ?
-Je demeurais sous l’emprise du sceau. Et puis, ne tiens-tu pas toi-même un discours différent de ce que tu me disais à ce même instant ? « Juste pour quelques morts en plus » ? Certaines de vos victimes n’étaient qu’impliquées dans les problèmes des autres, elles n’avaient sûrement rien à voir avec les crimes commis autour d’eux. Et pourtant, vous leur avez ôté la vie. Nous ne sommes pas si différent en définitive. Nous aimons tous les deux jouer avec la vie des autres.
-Non, nous sommes différents. Certains sacrifices sont nécessaires pour que ceux que nous traquons changent de comportement. Ce n’est pas comme toi qui implique volontairement des innocents dans des guerres et autres conflits absurdes !
-Naïf ! Crois-tu vraiment qu’avec ces morts qui ne sont pas montrées au grand jour, les humains changeront de comportement ? Pathétique ! Je n’ai jamais rien entendu d’aussi ridicule ! Je vais vous faire ravaler vos paroles et vos actes, à vous deux qui souhaitez si hardiment de mourir ! »
Il se mit en garde et se déplaça instantanément aux côtés de Kira. Bonku reprit possession de son corps juste avant de recevoir un coup fatal qui le propulsa sur la route un peu plus loin. Kira s’en était à peine remit, quelque peu sonné, que Shiku refit son apparition et lui frôla la gorge. Ils s’échangèrent plusieurs coups de sabre, Kira parvenait à les parer mais ne faisait que subir les coups qu’il encaissait.
Il reçut un nouveau coup qui lui fit perdre conscience une fraction de seconde, Shiku en profita pour enchaîner les coups sans retenue, délaissant le sabre et le frappant de ses mains. Kira avait de plus en plus de mal à riposter, il prenait coup sur coup. Il finit par contrer un poing avec son sabre, mais Shiku reprit le sien et lui passa la lame au travers du torse. Prit par une douleur insoutenable, il écarquilla les yeux et poussa un long gémissement. Du sang coulait en abondance sous son masque, se répandant sur son cou et bien plus bas, rejoignant le sang qui teintait son t-shirt d’un rouge vif autour de la lame de Shiku.
Celui-ci dégagea le corps inerte du jeune Japonais d’un coup de pied, et alors qu’il s’apprêtait à lui trancher la gorge, une ombre s’interposa et contra le coup. Le son des lames qui s’entrechoquent retentit, et le court laps de temps pendant lequel ce bruit résonna sembla durer des secondes pour Kira. Il perdait trop de sang, sa vue et son ouïe se troublaient. Il releva lentement les yeux, et aperçut des formes familières, une longue chevelure brune et un haut d’un rouge flamboyant. La jeune femme attaqua finalement Shiku qui demeurait surpris et ne qui réagissait pas avec l’ardeur dont il faisait preuve une instant plus tôt. Elle parvint à le faire reculer de quelques mètres puis resta en position de garde devant lui sans prononcer un mot. « Mayu… », murmura Kira dans un dernier soupir, avant de ne plus rien voir et de s’écrouler.
« Tss… encore des gêneurs. Hiku, toi aussi tu t’amuses à posséder le corps des humains ?
-Je ne le fais que par nécessité. Je dois vous arrêter, Bonku et toi.
-Ne me dérange pas ! »
Il s’élança vers Mayu qui ne bougea pas. Il sentit alors des lames transpercer ses deux jambes, son bras droit et son buste ; cinq autres shinigami se tenaient autour de lui.
« Ah… Tsutaemon… et ses quatre acolytes.
-Il est temps pour toi de te soumettre aux lois des morts, laissent les vivants vivre avec les leurs, même si tu les déteste.
-N’en rajoute pas, Kiniyoani, marmonna Shiku.
-Ruko, Riiko et Reika, fit le premier, privez-le de ses articulations pour ne pas qu’il bouge.
-Les Hauts Gardiens t’apposeront un nouveau sceau, ajouta Reika de sa voix féminine et cristalline, sois certain qu’il ne pourra être brisé.
-Hiku, fit Kiniyoani, la chasse de Bonku n’est plus notre priorité. Laisse-le pour le moment.
-Comment ? Pourquoi ne pas le ramener tout de suite ?
-Ordres des Immortels, ne discute pas. Et puis, vu l’état dans lequel se trouve son hôte, il ne pourra pas faire grand-chose avant un bon moment.
-Qu’est-ce qu’ils ont en têtes, ces fossiles, murmura-t-il ? Wakatta. Je vais juste rester encore un peu ici bas.
-Tâches de ne pas faire n’importe quoi, dit Reika.
-Hai…
-Hé bien Shiku, dit Bonku, je te souhaite bon retour. Tu me diras ce qu’il en sera de ton prochain châtiment ?
-Hm… N’y compte pas. »
Les six shinigami disparurent alors dans une sorte de distorsion, laissant Hiku seul avec Bonku. Mayu se retourna vers Kira qui gisait encore à terre, inconscient. Elle le prit dans ses bras puis disparut.
Ils se retrouvèrent dans la chambre de la lycéenne. Mayu le déposa sur son lit, puis Hiku la libéra de son emprise ; elle avait maintenant la force d’une fille normale, l’ayant porté sans effort malgré le fait qu’il était plus lourd qu’elle.
Un peu plus tard, elle avait soigné ses blessures et pansé ses plaies. Elle avait également mit ses vêtements poussiéreux et tâchés dans une large bassine remplie d’eau teintée de rouge par le sang, posée au pied du lit. Mayu, quant à elle, s’était installée sur une chaise à côté du blessé. Elle le regardait inlassablement, espérant qu’il ouvre enfin les yeux et qu’il lui parle malgré tout. Et c’est lorsqu’elle allait s’endormir qu’il se réveilla. Il fixa d’abord le plafond, bascula la tête à droite, regarda les meubles et les affaires de Mayu, puis tourna difficilement la tête vers celle-ci. Il la fixa en silence avec une insistance qui la mit mal à l’aise puis, fermant les yeux pour les rouvrir quelques secondes plus tard, il lui demanda :
« Qu’est-ce que… je fais en sous-vêtements… dans ton lit ?
-Tes habits étaient sales, humides et tâchés de sang… et je devais soigne tes blessures… »
Il ne répondit pas. Il continua de la regarder, seulement, son regard se fit moins dur, plus tendre. Il détourna du regard, et des larmes commencèrent à déborder de ses yeux sous-lignés de sombres cernes. Il posa de nouveau son regard sur son visage, puis la regarda dans les yeux.
« Arigato… Mayu. »
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