Les Nuits de ton Souvenir
Le ciel, paré de son manteau noir et froid, avait déjà plongé le monde dans l’obscurité de la nuit. Ce soir-là, je te vis arriver, épuisée et haletante, alors que tu ne portais qu’un frêle ensemble estival. Tu m’avais couru après alors que j’étais déjà loin, alors que je t’avais tourné le dos, trop désabusé par les éclats de nos promesses brisées comme un miroir fantastique pour te regarder encore. Pourtant, ce fut sur ton visage que j’aimais tant, sur ta figure angélique qui semblait tenir d’un songe dès lors oublié, sur tes lèvres douces et sucrées, sur tes joues rougies par ta précédente course et quelques autres sentiments imperceptibles, et, enfin, sur tes yeux couleur noisette assombris par la nuit, charmants, diaboliquement ensorcelants, que je posai mon regard brouillé de larmes. Et je te voyais scintillante, éclairée, comme un miracle arrivé soudainement dans ma vie, par un réverbère aux allures singulières, alors que, un peu plus tôt, je ne voyais en toi que la face ténébreuse de cette médaille miraculeuse.
Je t’en voulais et voulais t’en vouloir, mais il est un étrange sentiment, aussi fort, aussi agréable, aussi douloureux soit-il, qui brise les frontières, outrepasse les lois, renverse des murailles et nous fait pardonner le plus abjecte des crimes, sinon nous pousse à l’abomination, à la damnation, à la condamnation de notre cœur d’humain et notre esprit d’innocent. Et ce sentiment, cette force incompréhensible, apaisa mes pensés qui me faisaient pourtant souffrir encore. Et, étrangement, non pas à contre-coeur, en en ressentant l’envie, l’une de ces envies qui nous pousse à aller jusqu’au bout de nos espérances, poussé par cette envie soudaine et brûlante, je te pardonnai.
Et toi, soulagée par ces paroles muettes et par mon regard aveugle qui disait tout, tu fondis en larmes, et, un sourire de joie et d’un amour merveilleux naissant sur ton visage féérique, tu t’approchas lentement de moi qui, comme un ton reflet dans un miroir, fis de même, avant de t’embrasser avec la plus vive flamme qui puisse être.
Mais je me réveillai brusquement, haletant de fièvre, les yeux inondés de chaudes larmes qui avaient coulées durant ce sommeil troublé qui venait de se terminer. Mon rêve prit ainsi fin, mais ta présence, la chaleur de ton corps disparu, de tes lèvres douces et agréablement humides, de ta peau soyeuse que je ne pouvais m’empêcher de caresser, cette chaleur maintenant imperceptible flottait toujours autour de moi, et cette présence inexistante à cette heure me hantait.
Car te ne m’as jamais couru après, tu ne m’as jamais rattrapé, épuisé et haletante par une fraîche soirée d’été, tu ne m’as jamais demandé pardon et je ne t’ai jamais pardonnée.
Tu es partie comme un mirage et je voulais que, jamais, tu ne réapparaisses. Pourtant, je souhaitais te revoir comme lors de nos premiers jours et de nos premières nuits ; je souhaitais t’enlacer amoureusement dans mes bras, parcourir ton corps de jeune femme de mes mains, caresser tes seins menus, ta peau chaleureuse et si douce au toucher, embrasser ton cou fin et m’enivrer de ton parfum envoutant de fraise avant de déposer mes lèvres de jeune homme sur les tiennes.
La froideur, la sensation glaciale de ton absence, dépourvoyant ma vie d’amour, se répercutait de mes lèvres sèches jusqu’au bout de mes doigts abimés par la colère, jusqu’au bout de mon ongles d’homme. Tu me livrais à une solitude insoutenable.
Perdu dans le silence et l’obscurité de la nuit, hanté par ta chaleur qui flottait encore tout près de moi, j’essayai de me rendormir, de te haïr et de t’oublier.
Je me réveillai aux aurores, les pensés sourdes et muettes, les mains froides, le pouls tranquille, les yeux fixés sur la fenêtre ouverte par laquelle passaient les premières lueurs du jour, immobile dans mon lit en désordre. Et, malgré moi, malgré cette nuit épouvantée par ton souvenir, je ne pensai qu’à ton image oubliée qui me troublait le regard.
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