Le vent portait un oiseau au dessus d'une forêt peu dense. Une odeur printanière s'élevait, une senteur des jeunes pousses et de terres humides faisait face aux délicats parfums des premières fleurs.
Le petit oiseau tournoya d'un vol léger, comme rassuré par cette nature revigorée par le climat redevenu plus clément.
De quelques coups d'ailes, il rejoignit un groupe de semblable, dépassant l'étendue de fraîche verdure.
L'horizon s'ouvra sur une douce vallée fluviale recouverte de collines vertes et rondelettes.
Cet univers de courbes était parsemé d'arbres et d'étangs, de prés et de champs, de mares et fossés.
Les roches apparentes à certains endroits, montraient que la terre était peu profonde. Le relative calme de ce lieu reposait sur un équilibre entre la roche et le fleuve.
Rongeant les berges inlassablement depuis des milliers d'années, le cours d'eau avait creusé son lit, mais se trouvait retenu par les roches solides, son expansion en large étant entravé, il ne manquait par de déborder à chaque période de fortes pluies.
Ces terres étaient autrefois dominés par de forêts sombres, où l'arbre devenait fort, prenant de l'âge et de la place. Le territoire des profondes racines se morcelaient, et plus on avançait le long fleuve, plus la forêt se réduisait en îlots et les arbres restants se voyaient démunis face aux vents, n'ayant que pour compagnons des herbes et plantes basses.
Les jeunes arbres qui avaient pus prendre place, dans cet endroit était bien souvent souvent cloisonner en bordure de champs ou de chemins.
La province s'était développé jusqu'ici, il y a de cela quelques siècles, offrant à leurs habitants un nouvelle espace, ouvert à toute opportunité.
L'homme avaient pris par la force les lieux, amenant avec lui sa cohorte d'animaux familiers et apprivoisés. Les cultures, majoritairement composées d'orges remplacèrent les végétaux précédents dans quasiment toute la région.
L'hostile contrée sauvage s'était endormit, cédant ses terres à une poignée de colons.
La vie n'était cependant pas aseptisée de toute dureté ou de tout danger. Le fleuve venait souvent ébranler le quotidien avec son lot de crues. La grande forêt poussait couramment sa faune affamée à venir se servir dans ces terres voisines. Les pluies et l'humidité ambiante offraient aux maladies un nid idéal à leur développement. De plus, le sol était juste assez riche pour y faire pousser des cultures et quand l'hiver durait, la famine faisait son apparition.
La rudesse de cette campagne était un frein au développement des hommes. Ceux qui étaient restés n'avaient que leur témérité et leur résistance pour eux. Pour faire face, à ce climat, les frêles habitations s'étaient groupées formant parfois des bourgs.
Une nappe de brouillard fuyait à travers les champs et elle laissait la place à une vision dégagée sur le creux de deux collines. On pouvait voir là un lieu où l'Homme s'était organisé, et on pouvait enfin appeler cela un village.
Les axes de circulation venaient tous se rejoindre dans la ville. Ce bourg était le plus grand à des dizaines de kilomètres à la ronde, voici pourquoi en ces terres reculés tous convergeaient dans ce lieu. On y comptait pas moins de sept cent habitants.
Cette prouesse démographique, dans cette région, donnait au village une importance stratégique, tant au niveau administratif, qu'au niveau économique et culturel.
De ce faite, le royaume d'HINGDEWALD avait fournit à la bourgade, un régent (cette personne dépêchée par les services du roi, assure l'ordre et le respect des lois et se charge des besoins de la région).
Aucun seigneur n'avait voulut régner sur ses terres, même pour le bien du royaume et dans ces circonstances là, le roi nomme un de ses serviteurs, régent.
Au final, le titre de régent est bien peu glorieux, car ils sont les chefs de contrées quasi désertiques et bien souvent frappées par la misère.
On saisit là tout le problème, car ce village est le cœur d'un territoire et bien qu'il soit le lieu le plus développé, il n'en reste pas moins le fleuron d'un espace maladif et méprisé.
Les maisons se ressemblaient quasiment toutes, elles étaient alignées le long des axes pavés du bourg. Les constructions utilisaient les matériaux locaux, les pierres et les roches granitiques sombres, avec comme ossature des poutres massives en bois et en guise de toit de la paille d'orge.
Ces lieux de vie avaient été conçus pour le climat auquel il fallait faire face.
Bien que le toit devait être rénové chaque année, la mousse et le lichen qui y poussaient,, protégeaient, souvent bien l'habitation des écarts de température. La mousse était un élément essentiel, présente autant dans le paysage, que dans l'architecture et la tradition local. Elle poussait partout, sur les toits, dans les arbres et dans chaque interstice que lui avait laisser l'homme. Dans cette région, il n'était par rare de voir la mousse pousser jusque sur les pancartes.
Le vent portait si bien l'humidité que la mousse était devenue la reine des façades de pierres.
Les maisons alternaient avec la couleur sombre du granite et le manteau moelleux de mousses.
Les pierres formant le village avaient été arraché au sol et aux falaises. Les constructions variaient beaucoup et les finitions n'étaient pas pour chacune des bâtisses bordant les rues. Le granite était souvent peu travailler et on pouvait voir ici et là, des blocs brutes et assez énormes.
L'agencement des pierres étaient parfois maladroit, mais le poids de la roche suffisait à tenir l'architecture de la plus frêle des habitations.
Les hommes prévoyaient des murs très épais et respectaient certaines règles de construction en pierre. Ainsi même le plus mauvais des maçons disposait d'un abri résistant. Il faut dire que les bases des structures dépassaient les 2 mètres de large et que les murs dépassaient rarement
les 1 mètre 90.
Quelques uns des bâtiments du village comportaient des étages, le montage des murs était plus étudié les parements de pierres se trouvaient calés par de gros troncs posés à la verticale et enterrés d'un mètre dans le sol. Les murs des étages comportaient de moins en moins de pierres quand on prenait de la hauteur et les plus hautes demeures disposaient d'un grenier où le bois avaient remplacer le granite.
Pour monter des étages, il fallait des techniques particulières et précises, si bien que seul quelques personnes aisées pouvaient s'offrir le luxe d'avoir des étages à leur bâtisse.
La place centrale était assez grande pour accueillir les stands des marchants itinérants ainsi que leurs clients. Ce lieu accueillant était pavé et comportait une halle avec une toiture où pouvaient se réfugier les vendeurs en cas de pluies.
On peut dire qu'un marchant qui ne trouve pas de place sous cet abri verra toute la moiteur du pays s'abattre sur lui.
Toutes les rues débouchaient sur cet endroit attractif, alors les riches habitations et les hauts lieux du village avaient choisi de se tenir à proximité de la seule attraction de la bourgade. On trouvait là, les services administratifs, la caserne des gardes de la ville, les principaux commerçants et des auberges à l'hygiène correcte.
En s'éloignant de ce centre d'activité les maisons retrouvaient leur style si particulier conférer par des maçons autodidactes. En observant, on aurait pu apercevoir dans les ruelles, une pancarte poisseuse indiquant l'entrée d'une des tavernes insalubres, regroupant les pires soiffards du village, servi par un gérant qui s'improvise aussi cuisinier. Ces lieux de perdition où seul la crasse résiste accueillaient les aventuriers de passages et les marchants fauchés.
Les tavernes du village subsistaient surtout grâce à l'assiduité de quelques acharnés qui ne regardaient pas tellement la marchandise et sa qualité.
En oubliant ces endroits improbables, on pouvait continuer sa route vers les hameaux entourant le bourg.
Les chemins pierreux s'enfonçaient dans la campagne. Les routes étaient bordées par les cultures d'orges et les prairies où vivaient les bêtes d'élevages. Le vent caressait le paysage arrondissant toute chose trop anguleuse.
Le climat du haut plateau de XARAV prenait, hors de la ville, toute son importance. Les pluies et le brouillard balayaient ces lieux mis à nus par la mains de l'homme. Le froid moite et tenace s'introduisait au plus profond des chairs. Les autochtones, habitués à pareil temps parcouraient sans mal le territoire et rejoignait sans peine leur masure. La réconfortante chaleur d'un foyer était méritée même après quelques kilomètres.
La brume parfois clémente, laissait apparaître les maisons isolés. Les murs épais de ces demeures paysannes disposaient de peu d'ouverture et une porte massive venait renforcer l'allure hostile de s lieux de vie. A première vue, il était tout de même difficile de détecter la vie derrière les pierres des bâtiments. Le granite étouffait tout son et toute odeur. La cheminée aurait pu donner une indication si la grisaille pouvait cesser. Détecter les animaux était la façon la plus logique pour savoir si l'endroit était abandonné.
Sur une route terreuse et boueuse qui provenait du village, on pouvait s'abriter du vent en longeant les haies qui bordaient les champs. Le sifflement du vent traversait quand même les arbustes poussant avec lui la fraîcheur et la bruine.
En avançant sur ce sentier, il fallait prendre soin d'éviter les flaques. Les bottes s'enfonçaient légèrement dans la boue, c'était reposant de marcher sur ce matelas humide. Après tant de pierres et de roches sous des semelles trop tendres, on trouvait sur ce chemin le réconfortant bruit d'une terre juteuse détrempée par les ondées locales.
La brume barrait une avancé rapide, le temps obligeait le voyageur à habituer son corps à la température ambiante. Lentement on déambulait vers l'inconnu.
Après cinq kilomètres de marche, un forme noire déchirait le voile gris qui s'était installé. On devinait des bâtisses construites de plein pied. Les deux habitations ne différaient pas de l'architecture rencontrée auparavant, elles étaient cependant plus massives.
Un granite sombre recouvert de mousses et lichens, formait la base brute de ces maisons.
En se rapprochant, on distinguait trois petites ouvertures à peine plus grosse que la tête d'un homme. Ces synonymes de fenêtres perçaient en trois points les demeures.
On découvrait les énormes portes donnant sur une petite cour. Tailler dans un seul tronc, les portes étaient lourdes et épaisses. Ces blocs de bois ne donnaient aucun signe de faiblesses, ni d'usures provoquées par les années écoulées.
La cheminée surplombait la paille du toit, il ne s'échappait pas de fumée, laissant présager que les habitants étaient parti. Même en écoutant à la porte, aucun bruit, seuls quelques traces de pas dans la terre humide. Cela aurait pu être des empreintes faites par un voyageur cherchant refuge auprès d'une demeure abandonnée, mais l'autre bâtiment comportait les mêmes marques à l'entrée.
Les pas s'éloignaient en direction des champs. Il avait une légère pente, qui amenait à des pâtures en contre-bas.
Là, des bêtes bizarres dégustaient l'herbe grasse et tendre d'un vaste pré.
Ces animaux placides étaient le fruit d'une nature plutôt farceuse. Ils avaient la taille d'un bœuf et le corps d'un cochon. La tête était un mélange entre un porcin et éléphant, car l'animal avait une trompe et la tête allongée d'un porc. Plus haut sur pattes qu'un cochon, on différenciait les femelles , grâce à leurs mamelles pendantes. Les mâles avaient quant à eux, un tête plus massive et plus osseuse donnant un aspect renfrogner.
Cet animal rondouillard, au physique comique était appelé Klumruts. Cette race était utilisé pour son lait et sa viande. Cette bête possédait un capital de sympathie auprès de toute la population.
Gentil, passif, voir même câlin, une klumrut était l'animal le moins farouche de toute la région.
Même si la bête ne disposait pas d'une intelligence hors norme, elle vivait en groupe et s'intégrait parfaitement à la vie paysanne.
Le son roque et guttural de la voix de cette bête rappelait distinctement le bruit d'un cor bouché par un facétieux soldat. Le regard triste d'un chien battu, les masses rondelettes broutaient patiemment l'herbe du pré. Cinq formes presque identique parcouraient ainsi l'étendue verdoyante.
Au milieu de la pâture qui descendait doucement, il avait parmi les hauts tiges tendres l'ombre d'une vie allongée là.
On ne pouvait voir la présence quand s'immobilisant sur les quelques mouvements rapides d'un brin d'herbe. Tournoyant légèrement la jeune pousse indiquait une habitude, une manie, un rituel de tous les jours d'une personne accoutumée à cette terre, à ces pousses et à la fraîcheur du climat qu'il régnait dans ces prés.
Un jeune homme perlé des gouttes de la brume, avait fermé les yeux comme pour se mettre au calme, pour se soulager de son quotidien travail de garde du troupeau. Le vent était plus clément quand on était étendu sur le sol.
La brise emportait avec lui un peu de l'amertume qui avait envahi sa vie.
Il ouvra les yeux. Aussi mouillés que son pays, ces derniers, traduisait la douleur du passé. Une expiration grelotante suivi d'un reniflement net, coupa le garçon dans sa mélancolie.
Les rougeurs entourant les iris disparaissaient peu à peu. Le regard vert émeraude se porta alors sur le ciel pour contempler un nuage blanc passant devant le plafond terne et pluvieux.
La tristesse s'estompa et la peau de ce visage redevint pâle. La respiration se fit moins saccadée.
Les sens du jeune homme s'éveillèrent. Il s'assit penché vers l'arrière, soutenu par ces bras.
Relevant la tête sa posture devenu inconfortable l'incita à se mettre droit.
En se redressant, il regarda autour de lui pour vérifier que toutes les klumruts ne s'étaient pas éparpillées.
Il scruta le paysage à la recherche de silhouettes familières. Mais personne !
On découvrit plus nettement l'adolescent, âgé d'à peine seize ans, combattant son impatience en fixant l'horizon les yeux vidés d'enthousiasme.
L'adolescent au cheveux court avait posé comme un fardeau son corps en plein milieu du prés, il possédait déjà une taille moyenne et une carrure respectable alors qu'il pouvait toujours grandir.
Le jeune homme était maigre. Le tissu détrempé qui collait à sa peau dévoilait ses cotes.
Les muscles apparaissaient aussi et trahissaient un travail répété, le labeur des champs. Courir ou piétiner derrière son troupeau, creuser et ratisser la terre, planter et couper l'orge, voilà les activités d'un fils de fermier. Ce garçon détenait l'archétype du bon ouvrier des champs, un physique endurant, fin mais résistant.
Attaché à son cou, un collier pendait, de couleur or. Un petit symbole y était accroché, il était gravé et portait un signe particulièrement bizarre, voir même laid.
Elle était la marque d'un dieu aussi impuissant qu'inutile, Janclod Lemoch, dieu de la gueule de bois et des chansons scabreuses. Ce dieu étant appelé par bien autres noms par les autres races de ce monde, les quelques dons qu'il procure sont bien mince : plus forte résistance à l'alcool, évite certains lendemain vaseux et permet de chanter facilement n'importe quelle ignominie.
Comme il existe des petits dieux pour à peut près n'importe quoi, on pourra dire que cette protection divine n'a de divin que le nom.
On arbore ainsi fièrement n'importe quoi pour n'importe quels dons.
La main du gardien de klumruts vint saisir l'insignifiant artefact, afin de s'amuser avec en le faisant tournoyer entre ces doigts.
Le temps s'écoula et perdu dans son jeu, le jeune homme ne remarqua pas la silhouette qui apparu au fond du pré. Elle s'approcha lentement en fixant le garçon.
La personne se baissa, pliant sa masse en 2, une lourde expiration sortie des nasaux de celle-ci, indiquant une certaine irritation, vis-à-vis de la posture du jeune homme allongé.
Une main musculeuse et large atterrit sur le crâne du garçon, lui assénant une claque virile, ayant pour but d'attirer l'attention de sa cible. La victime tressauta et levant aussi vite que possible son dos du sol.
Se caressant la tête, comme pour apaiser la brève douleur, le malheureux tourna son visage vers son agresseur afin d'avoir une meilleur posture. Une discussion commença.
« Alors comme ça tu rêvasses ! Que je te reprenne pas à taper un somme ! Tu dois surveiller le troupeaux, c'est tous ce que j'te demande de faire. Et toi tu dors ! Par la pierre noire, c'est pas compliqué de garder ses grosses bêtes ! »
Le ton rauque, jeta la phrase aux yeux de l'intéressé, qui surprit, ne savait pas trop répondre.
J'attendais ton retour, ici ! Je ... je dormais ... pas.
« Ouai bin, fais ton boulot ! »
Le jeune se leva face à l'homme d'âge mûr. L'adolescent baissa les yeux évitant le regard de son père. Se faire réprimandé de cette façon, était courante, mais son père ne voulait pas perdre un seul animal.
« Tu me les rassemblent, on monte à la maison ! » Le père s'éloigna en direction de la lourde habitation. Le fils se leva et commença sa tâche.
Après avoir mis les bêtes dans un enclos en bois, le garçon ferma la porte. La veste en peau, d'une médiocre qualité, était transpercée par les fines gouttelettes d'eau. L'humidité ne laissa aucun répit au jeune homme. Il avait été réchauffé par sa course dans les pâtures. La mince pluie se rependait sur tout l'être du gardien champêtre. Il dégoulinait de toute cette eau. Sa peau hydratée pour des semaines entières.
L'adolescent savait que l'inactivité était, sous ce climat, un danger. Ces membres se refroidir aussi vite que la récente poursuite. Il frémit de tout son long. Le froid s'injecta dans sa colonne et annonça le signe d'une fatigue prochaine. La fraîcheur et la moiteur ambiantes, se rapproprièrent la chair et les os du pensif campagnard.
Il resta face au ciel chargé, immobile. Un souffle tempéré sorti de sa bouche. Ces yeux se levèrent comme pour voir une lueur, un signe, mais seul le vent vint répondre à son appel. Il se tourna et entama retour chez lui.
Il ouvrit la lourde porte de la bâtisse qui tournait le dos au chemin. Un long grondement rauque accompagna le grincement des gongs. Puis les mêmes sons, se rependirent à fermeture de la porte.
La pâleur d'un jour gris se taisait, et le paysage s'assombrit jusqu'à la nuit. Cette dernière, était dans la région aussi noir que de l'encre pur. Et le peu de formes visibles, pour un œil humain, devenait floue, sous l'épais brouillard.
Un souffle malsain s'abattait sur les maisons, le vent caressa la pierre et le bois, portant des senteurs denses, de mousses, de prairies et de terres gorgés d'eau. Le froid se fit plus fort étreignant l'air et le sol.
Un silence pesant saisit peu à peu la campagne, battant au rythme du vent, telle une mélodie sourde. Où chaque bruit marquait brièvement, une note insidieuse, parmi cette morne mélopée de néant.
Le temps défila, sous ce règne oppressant et étrange, pour tout voyageur.
Ce paysage figé, ne laissa pas transparaître l'apparition d'un autre jour. Comme si, seul un timide soleil matinal pourrait éveiller ce monde.
Un climat plus lourd se rependit alors. Le vent apporta les signes d'une agitation, provenant du lointain.
Une lueur ? Au village ? Pour quel présage ? Rien ne devait pourtant rompre la profondeur de la nuit !
Un son étouffé. Celui d'une couse. Soudain, se précisa le son de pas d'une monture au galop. Ce son rapide se rapprocha devenant plus clair.
Résonant sur le chemin, les vives expirations d'un cheval lancé à grandes encablures vinrent complétés l'information. Un grand cheval traversa la brume, éclairé par la torche de son cavalier. L'homme tira sur les brides sèchement. L'étalon freina sa course, autant qu'il le pu, tiraillé par l'ordre douloureux, d'un individu pressé.
La monture secoua la tête en tout sens, émettant un son désapprobateur. Le cavalier se tint fermement, serrant la bride. Le duo un peu bousculé par cet arrêt si prompt, avança encore, de quelques pas. Le cavalier descendit de selle rapidement, délaissant le docile étalon. La monture soufflait fort, de sa puissante respiration, grattant le sol d'un sabot.
La torche émettait assez de lueur, pour distinguer un homme, trapu, engoncé dans une armure usée et inconfortable. Des gants et une épaisse veste rouge complétaient l'habit caché par le fer.
Un visage boursouflé, sous un casque en forme de casserole, envoyait un air d'empressement, peu sympathique. Trempé par la nuit, cette tête mal rasée et crispée cherchait d'un regard mauvais dans l'obscurité.
Apercevant un pan de mur, l'individu pressa sa marche. Piétinant brusquement, il trouva la porte, et lui asséna autant de coups qui le pu, pour qu'on se hâte de lui ouvrir.
Le vacarme réveilla, d'un bond, les habitants. Et, en un grincement, la porte s'entrouvrit.
La tête d'un homme d'âge mûr apparu, visiblement mécontent de se tapage nocturne. L'habitant de la demeure n'arriva pas à adresser, directement, un langage courtois à son hôte.
« Pourquoi vous venez m'emmerder à une heure pareil ? Vous pouviez pas attendre le jour ! »
Monsieur Sildenval, on m'envoie dans l'urgent ! Le village va être attaqué.
Le garde commença à chercher quelque chose dans une poche de sa veste cachée sous l'armure.
Encore chagriné par son réveil, le paysan montra des signes d'impatiences.
« Si c'est encore pour se battre contre des bestioles sauvages et faire votre boulot ... moi j'irai me recoucher ! »
Le guerrier n'écoutait pas le grand bourru, qui continuait à marmonner et pester contre cette milice de campagne qui le dérangeait, pour n'importe quelle broutille.
L'homme en armure trouva enfin le parchemin et approcha sa torche pour lire le message.
Moi, Uskvald Doelfon, régent des hautes terres de XARAV, ordonne par cette lettre, que tous citoyens en âge de se battre, viennent au côté de la milice, défendre notre contré face à l'ennemi ! Les combattants se regrouperont sur la grande place du village régent, Bourg Belfon.
Le paysan ravisa son air accusateur et senti une menace différente. Une lettre signé par le régent, ce n'était pas pour quelques monstres hostiles.
« Qui est l'ennemi en question ? » interrogea l'homme.
Je n'ai pas le droit d'en parler. Faites juste ce qu'on vous dit ! Je dois faire l'annonce toute la contré.
Le garde en tourna les talons. Il s'éloigna et dit quelques dernières choses.
La troupe partira en milieu d'après midi.
L'homme en armure arriva sur le chemin et agrippa sa monture. Il se mit en selle, saisit les reines et contraint l'animal à repartir. L'étalon leva ses naseaux en l'air, secoua la tête en avançant et reprit
sa course après une vive expiration.
Un léger filet de vent caressa, le visage de cet homme massif. Il resta planté sur le pallier de sa maison, s'interrogeant sur l'annonce qu'on venait lui faire.
Son air imperturbable traduisait un questionnement. Il mâchouillait, passivement. Puis, avec les quelques informations qu'on lui avait transmis, il avisa. Il fronça les sourcilles, les traits de son visage se fermèrent.
Il parla dans le vide, pour lui même. « On est mal embarqué. Ils sont comme ... pris de ... panique ! »
Lâchant ces mots, il se renfrogna encore plus. Jeta un regard méprisant dans le ciel, et enfin il regagna sa maison.
Dans l'obscurité de sa demeure, le grognon personnage chercha sur la table, une bougie. Il sorti de sa poche une petite pierre. Dans sa main face à la bougie, cette roche émit une lueur. Puis en un court son, la mèche de la chandelle s'alluma. La flamme éclaira, une pièce principale contenant que peu de mobiliers et une grosse cheminée de pierre.
L'homme s'assit sur un des tabourets de bois et posa ces bras imposants sur la table. Il ne bougea plus d'un pouce. Fixant de ces yeux profondément noirs et vifs, la petite flamme qui dansait.
Crispé. Le visage massif était enveloppé d'une barbe d'une semaine et des cheveux descendant jusqu'en bas de la nuque. L'homme avait une dense chevelure rabattu vers l'arrière, cette capillarité drue d'un noir intense comportaient seulement quelques racines grisonnantes.
L'apparence de Hëngor Sildenval avec quelque chose de bestiale et brute. Il est de ces gens rudes qui sont charpentés comme un bloc de granite. La posture voûtée haut dessus de cette table lui rentrait le coup dans les épaules et donnait une allure d'ours.
Le personnage figé dans ces pensées, marmonnaient de temps en temps quelques mots insultant, pour les garants de la sûreté du village. Ces poings serraient petit à petit, au fur et à mesure que sa colère montait. Encore une fois, les villageois sont mis à contribution, pour défendre leur terre.
La mémoire de Hëngor, lui renvoya de pénibles souvenirs.
« Tous des incapables ! Des imbéciles ! ... », une flopée de noms peu flatteur vinrent décrire les gardes et leurs chefs. L'homme s'énervait dans un silence qui traduisait un profond dégoût.
Le passé l'attaquait, lui projetant l'image d'un bonheur perdu. Cette souffrance le harcelait.
Hëngor était prisonnier de ces moments là, quand ces pensées trahissaient ce qu'il avait tant aimé.
Il revoyait sa femme, cette jeune fille brune et souriante qu'il serrait dans ses bras, avec qui il travaillait et autant d'autres modestes souvenirs.
Mais sa mémoire le ramena à l'horreur d'un cri, l'horreur d'une soirée. La scène lui revins.
Près de la grande cheminée du salon, gisait sa femme allongé. Son fils ayant à peine quatre ans s'était agenouillé à coté d'elle. Le père d'Hëngor était assis près de l'autre flan.
Sa femme épuisée essayait de faire sortir le bébé qu'elle attendait, soufflant et criant de toutes ses forces. Elle regarda son mari d'un regard empli d'une profonde inquiétude et de tristesse.
Le père d'Hëngor lui demanda « Alors la garde à trouver un médecin ? Il faut qu'il se bouge, car ça ne se présente pas bien ! ».
L'homme secoua la tête négativement, emplit de larmes prit son fils dans les bras et le porta jusqu'à sa chambre. L'enfant gémît pour rester près de sa mère, il se tordit dans tous les sens, mais il fut emmené de force. Hëngor ferma la porte de la chambre.
Quand il revint auprès de sa femme, celle-ci oscillait déjà entre la vie et la mort. Elle était devenu pâle, ses yeux étaient écarquillés et fixaient le vide. Un souffle étouffé sortait de sa gorge.
Le père d'Hëngor tenta en vain d'extraire l'enfant.
La main de la femme se souleva pour essayer de saisir celle de son mari, mais le geste resta inachevé. Elle mourut après un combat de plusieurs heures, pour donner la vie, mais l'enfant ne vint jamais.
C'est une douleur qui se ravivait à chaque moment de doutes, et que pouvait faire Hëngor de cette rage. Il répartissait sa colère entre les dieux, les gardes de la ville, les médecins introuvables, mais surtout lui même. Il avait été incapable de trouver du secours, incapable de prévoir cette naissance. Il avait couru toute la campagne à la recherche d'aide, fait du mieux qu'il pouvait, mais il ne sera jamais satisfait et cela restera son échec.
L'homme a essayé d'enfouir ce sentiment, mais son comportement fut changé. Il se terrait d'un tempérament froid, pour ne pas avouer sa détresse. Hëngor aurait sombré dans la dépression et l'alcool, si il ne lui restait pas un fils. Il l'éleva du mieux qu'il pu, avec ce qui lui restait de force et d'envie.
Sa main frotta son épaisse barbe d'arrière en avant. Le regard fixé dans le vide. Rongé par le passé, l'homme se fondait dans l'ambiance glacée. Les râles du vent s'écorchant sur les parois, venait rompre le pesant silence.
« Les incapables, les faibles, ... . Quelle bande de chiants, ... des crétins aux petits bras ... » et autant de discours que tint Hëngor toute une partie de la nuit.
L'homme se leva brusquement, sortant de ses pensées, un autre sentiment l'envahit. L'inquiétude du combat ? Non, une autre chose, plus tenace. Ce que les gens appellent un mauvais pressentiment. Hëngor ne se sentait pas menacer, la mort, il l'attendait. La culpabilité l'avait tellement rongé, et son existence ne lui importait plus.
Derrière l'apparence impassible, du gaillard planté en plein milieu de cette pièce, la tendresse d'un père hurlait en lui. Dévoué au plus profond de ses veines, à l'une des seules personnes qui lui restait.
Comme soudain, touché par un état de conscience, son cœur se mit à vibrer d'une peur maladive.
Son corps s'embrasa d'un élan de panique. L'inquiétude s'insinua dans sa tête, franchissant les barrières mentales. La sensation âpre de rien pouvoir faire face à un pressentiment si perfide. Plongé brusquement de la sombre mélancolie, à l'abyssal futur, qui semble attendre son fils. Sa masse toute entière entra en résonance, tremblant à l'idée de perdre ce dernier point d'accroche à la vie.
Le sombre présage était pourtant bien différent de l'inquiétude commune que peut ressentir un père. Un danger approchait et Hëngor sentait qu'il n'était pas de taille. S'il ne pouvait protéger sa famille, qui le pouvait. Une idée si préoccupante et intenable. « Mon fils ... c'est trop tôt pour lui ... »
La menace de demain était-elle si grande ? Hëngor, lui, en était certain. Il n'était pas dans ses habitudes de douter autant de lui, de sa force et de la ténacité avec laquelle il protège sa famille. Mais ce sentiment qu'il l'avait étreint tout entier, était marquée d'une triste vérité. Le destin était muet, néanmoins certaines impressions sont des prémices funestes.
Le regard perçant se flouta, puis ces yeux mouillés de larmes se levèrent, cherchant désespérément une réponse. Les lèvres d'Hëngor, sous le poids de l'émotion, se mirent à trembloter. L'imposant homme vacillait, son regard devenait doux et fragile. Une fragilité rare et consciente.
Il se dit qu'il devait tout tenter, mais ceux en quoi il ne croyait plus. Il avait t'en enrager contre cette vie et contre ces dieux. Et le voilà maintenant à genou. Implorant en une prière, qu'on épargne son village et son fils. Il en était réduit à des prières, lui qui toute sa vie avaient juré contre les dieux. Il se sentait humilier, le sort s'acharnait à lui faire perdre son honneur.
Les dieux ne lui firent aucune réponse, car aucun d'eux n'accorda d'attention à cette demande. Et Hëngor resta seul, sans soutien, sans aide. L'homme comprit que le sort qui allait s'abattre sur eux, n'était qu'un de ces conflits mineurs, dont les puissants ne se soucient guère. Il était désemparé. Il s'assit de nouveau, abattu. La bataille qui s'annonçait, semblait déjà perdu.
Comme vaincu par ce pressentiment, la tête et ses bras posés sur la table. Il inspirait profondément pour expirer tristement d'une traite. Épuisé, il s'endormit sur la table et la bougie finit de se consumer sans bruit. |