Partie III
Le soleil progressait dans sa chute derrière l'horizon rougeoyant qui s'étendait devant nous. J'avais emmenée la femme que j'aimais aux sommets des collines de Pech David pour qu'on regarde ensemble le couché du soleil, je me souvenais que je le lui avais promis avant que je ne parte à l'étranger. De là où nous étions, nous pouvions voir une bonne partie de la ville et de ses alentours, presque toute la région s'offrait à nous et les spectacle auquel nous assistions nous laissait sans voix. La beauté du ciel coloré d'or et de rose, de violet, la lueur du soleil couchant qui resplendissait encore et les lumières de la ville et des routes, innombrables, qui s'entrecroisaient et disparaissaient à l'horizon. Tout ce que l'on voyait avait quelque chose de magique.
Elle était juste à côté de moi et me tenait fermement la main. Plus je me focalisais sur ce contact agréable, plus je me sentais envahi par une vague de mélancolie incontrôlable. Toutes mes pensées convergeaient vers Elle; elle me manquait profondément malgré la proximité. J'avais l'étrange sentiment que j'allais la perdre et, sans pouvoir expliquer pourquoi, je commençai à avoir peur.
"Tu sais, tout ce temps, je n'ai pas arrêté de penser à toi. Je t'aimais vraiment. Tu n'as pas quitté mon esprit une seule seconde."
-Moi aussi, déclarai-ai soudain, je n'ai pas arrêté de penser à toi.
Elle me regarda sans comprendre et attendit que je poursuive.
-Tu te souviens de notre conversation quand on marchait au bord du Canal? Je t'avais dit que je n'avais eu que des relations sans importances. En fait, à chaque fois que j'étais avec une fille, je pensais à toi. Je croyais que c'était parce que je sortais tout juste d'une longue histoire et que j'allais t'oublier avec le temps, mais tu continuais de m'obséder. Quand je tombais sous le charme d'une fille je pensais à toi; quand je leur prenais la main je pensais à toi; quand je les embrassais, quand je couchais avec elles je pensais à toi. J'ai vécu avec ton souvenir pendant trois ans. J'en ai énormément souffert et j'ai fait souffrir des personnes qui ne le méritaient pas. J'avais l'impression que ma vie se fanait lentement, je me sentais vide, absent... Je ne savais pas pourquoi j'étais si morose, pourquoi j'avais cette sensation désagréable d'être mort ou une simple projection de moi-même, jusqu'à que je ne te retrouve. Je t'aimais encore. Tu étais la seule qui m'intéressait, la seule avec qui je voulais passer chaque jour de ma vie, la seule que je désirais pas dessus tout. Je t'aime, je t'ai toujours aimée. Maintenant qu'on est de nouveau ensemble je ferais tout pour te garder, je ne veux pas te perdre une seconde fois.
Elle ne répondit pas. Je n'eus que la complainte du vent qui soufflait sur la colline comme réponse. Et ce vent glacial devint soudain plus doux, plus chaud. Il soufflait paisiblement.
-Je suis heureuse de l'apprendre, dit-elle doucement.
Je la regardai. Un sourire apaisé était apparu sur son visage. J'eus comme un déclic: son visage... c'était celui qu'elle avait trois ans plus tôt. Elle n'était plus coiffée de son bonnet blanc, elle ne portait plus son manteau rouge, ni ses gants, ni son jean bleu, ni ses bottes de cuir; elle portait une légère robe verte que je n'avais pas vue depuis longtemps. La neige sous nos pieds avait fondue; le soleil brillait dans un ciel azur; nous n'étions plus au sommet d'une colline froide mais au milieu du Jardin des Plantes, nous n'étions plus au début du mois de Janvier mais à la fin du mois de Juin. Nous avions rajeunis de trois ans.
Je me retournai et regardai autour de nous: les promeneurs, les vieilles personnes, les familles et les enfants qui passaient autour de nous, des évènements et des choses dont je me rappelais encore, la manière dont nous étions habillés... Nous errions dans un souvenir lointain et douloureux, nous revivions le jour de notre séparation.
La jeune femme, habillée de sa robe claire, s'approcha lentement de moi et posa ses mains sur mon torse. Elle appuya sa tête contre moi.
-J'ai passé d'excellents moments avec toi Allen, déclara-t-elle doucement. Que ce soit dans notre ancienne vie de couple ou dans celle-ci, j'ai vécu des jours inoubliables. Même si certains étaient tristes, je ne regrette aucun de ces instants. J'ai été touchée par la sincérité de ta déclaration tout à l'heure, mais j'ai peur de devoir te décevoir. J'aurais voulu rester avec toi plus longtemps, mais il va falloir que tu te réveilles. Pardonne-moi mon cœur. Pardon, et merci pour tout.
Je ne sentis plus ses mains ni son front sur mon torse. Je baissai les yeux mais ne la vis pas. Je la cherchai du regard mais ne la trouvai nulle part. Je n'entendis plus les cris des enfants, ni les passants qui parlaient autour de moi, ni le chant des oiseaux, ni le vent qui soufflait dans les feuilles des arbres. Je ne sentis plus la chaleur de l'été ni les rayons du soleil sur ma peau, tout devint tiède. Le temps s'était arrêté. Tout ce qui m'entourait sombra dans le néant. Je planais dans les ténèbres comme un naufragé au milieu de l'océan, je me perdais moi-même de vue, je n'existais plus.
Tout était noir, mais un point blanc apparut soudain dans le néant. Il tombait lentement et dans un mouvement paisible et continu. Il y en eu un second, sensiblement identique, qui suivait le même mouvement. Puis un autre encore, jusqu'à que ces taches se fassent innombrables. Des paroles incompréhensible résonnèrent comme des échos, une lumière éblouissante englouti ensuite l'obscurité.
Les passagers du train s'activaient et se pressaient de sortir du wagon tandis que je regardais la neige chuter librement de l'autre côté de la vitre. Je restai immobile et silencieux pendant quelques instants, la tête vide de pensée. Je venais de sortir d'un rêve étrange qui m'avait laissé une sorte de sensation indéfinissable.
J'étais un des derniers passagers à mettre les pieds sur les quais de la gare de Toulouse. Les quais étaient noirs de monde mais ça ne me gênait pas, contrairement à ceux qui s'agitaient autour de moi. J'étais enfin rentré, et cette seule idée me fit oublier tout le reste.
Je me rendis à Pech David le lendemain matin, là où je contemplais la ville au crépuscule avec la femme que j'avais aimée et perdue dans mon rêve. La pâleur de l'aube rendait le bleu du ciel terne, mais la clarté du jour dissipait peu à peu le voile gris qui stagnait dans l'air. La neige recouvrait toute la zone ainsi que la ville et sa périphérie. Cette fois, j'étais seul. Elle n'était plus de ce monde depuis longtemps et ça ,je l'avais oublié avec le temps. Ou plutôt, j'avais toujours refusé de l'accepter et constamment cherché à refouler l'idée qu'elle était morte. Mais la réalité m'avait finalement rattrapé et tout ce que j'avais ignoré jusqu'alors me frappa comme un poing en pleine figure.
Jamais plus je ne reverrais son visage, jamais plus je n'entendrais sa voix, jamais plus je ne la serrerais contre moi, jamais plus je ne lui dirais "je t'aime". Elle avait quitté ma vie à jamais.
-Il fait vraiment froid ce matin, dis-je tout haut.
Une larme coula de mon œil droit et roula sur ma joue, laissant une trainée humide qui sembla geler instantanément. Je croyais que c'était le froid et le vent hivernal qui me faisait monter la larme à l'œil, mais je me rendis vite compte que cétait moi qui sanglotais. Je pleurais et le froid n'y était pour rien. Toute la tristesse que j'avais ravalée pendant ces trois longues années s'exprimait enfin librement.
On s'était quitté un jour ensoleillé de Juin. J'étais parti sans me retourner après lui avoir adressé un simple "au revoir". Nous avions passé la journée ensemble bien qu'on ait mis fin à notre relation, on s'était embrassé trois ou quatre fois avant que nos contacts se fassent plus discrets, moins intimes. On ne se comportait plus comme un couple mais en tant qu'amis. On s'était retrouvé avec notre sourire habituel ce jour là malgré les quelques tensions qui étaient apparues un peu plus tôt dans l'année; sans compter les petites disputes que connaissent deux amoureux ordinaires, on filait le parfait amour. On couchait souvent ensemble, on s'embrassait tout le temps, on sortait toujours flâner en ville ensemble, on se tenait tout le temps la main, on passait le plus clair de notre temps ensemble, on se voyait tout le temps au lycée... Je lui avais avoué mes sentiments un jour ensoleillé de Janvier après les cours, et on s'était séparé après un premier baiser de jeunes adolescents timides. On avait été sur le point de nous embrasser le jour précédant, et ce fut à ce moment là que je fus sûr de l'amour que j'éprouvais pour elle, notre histoire d'amour débuta à cet instant ou peut être même bien avant.
Mais à l'heure où je me tenais droit sur le sol enneigé de la colline du bord de la ville rose, notre histoire avait pris fin depuis longtemps. Je pleurais toutes les larmes de mon corps, seul au milieu d'un endroit où j'aurais dû tenir une promesse qui s'était brisée malgré moi, comme toutes celles que je n'avais pas pu tenir.
"Allen, je crois que ce serait qu'on se sépare..."
"Tu me promets qu'on restera toujours ensemble?
"Tu vas me manquer..."
"Je te déteste."
"Pardonne-moi..."
"Je ne pensais pas que tu serais aussi direct mais... ça me fait plaisir. En fait, moi aussi..."
"Je t'aime."
"Tu peux me détester si tu veux, mais s'il te plait, ne m'oublie pas, parce que moi je ne t'oublierais pas."
Je ne t'oublierais pas, je te le promets...
Sheila.
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Voilà la fin de l'histoire ^^
J'espère sincèrement qu'elle vous a plu et que vous avez passé un bon moment en la lisant =)
Donc voilà! Merci de votre lecture et j'espère à bientôt ^^
Bye neeeeeee! |