« Qu’est-ce que… »
Les membres armés des vaisseaux de Fiist se mirent en alerte dès que le premier coup de feu fut tiré depuis un char d’assaut de la Garde Améthyste. Les pilotes coupèrent immédiatement les moteurs et le Hikan pointa son arme dans la direction de la garde de Hirmonia. Mais Jirroh interdit au pilote d’intervenir d’une quelconque manière et lui conseilla de baisser son arme : deux armures mobiles contre cinq ne feraient pas long feu, surtout quand l’une d’elle n’est pas intégralement terminée. La Garde Améthyste arriva à quelques mètres du groupe de sauvetage, surprenant Helena comme jamais. Elle regardait les deux groupes armés se faire face sans savoir quoi faire. Rentrer chez elle serait plus raisonnable que de s’attarder plus longtemps en ces lieux, mais elle s’inquiétait énormément pour Hilon.
Un des trois Gilgamesh de la G.A se détacha des autres pour se mettre en avant et interpela le groupe de sauvetage de Fiist.
« Vous violez actuellement le territoire Hirmonian, conformément aux articles 3 et 4 de la loi sur les limites territoriales. Nous vous sommons de déposer vos armes et de vous rendre sur le champ, nous n’hésiterons pas à faire feu en cas de résistance. »
Il y eu un court laps de temps durant lequel tout sembla s’être figé, puis les pilotes ainsi que tous les autres membres de l’équipage commencèrent à descendre de leurs engins. L’un deux imita le Gilgamesh ennemi et s’avança un peu plus que les autres afin de se faire entendre. Et sans qu’il n’attende la moindre réaction de leur part et qu’il n’ait le temps de se présenter, le pilote du Gilgamesh descendit et rejoignit le militaire de Fiist.
-Major Howard Danael de la 21ème division d’urgence, déclara le militaire de Fiist. Il s’agit là d’une opération de sauvetage visant à récupérer un de nos habitants qui s’est retrouvé sur votre territoire par accident. Les deux armures mobiles nous servent d’escorte. Je vous demande de nous laisser partir, je ne tiens pas à créer des histoires inutilement.
-Colonel de la Garde Améthyste Justan Wysthlor. Je n’ai rien contre votre opération. Cela dit, bien que vos actions soient louables, vous êtes en contradiction avec une des lois fondamentales. Vous devez nous suivre au quartier général.
Le major Danael fronça des sourcils tandis que le colonel Wysthlor examina les armures robots avec un regard inquisiteur. Il porta de nouveau son attention sur son interlocuteur.
-Le modèle de vos armures m’est inconnu, dit-il. De quel pays venez-vous ? De Trynast ? Ce sont de nouveaux modèles ?
Trynast était un pays allié de Hirmonia, et le major le savait. Il pouvait très bien répondre par l’affirmative à la question du colonel mais c’était un risque inutile. De plus, son interlocuteur était d’un plus haut grade, et essayer de jouer au plus malin était loin d’être une bonne idée. Il se tourna vers ses subordonnés et Jirroh qui hochèrent tous la tête. Lorsqu’il se retourna vers Wysthlor, il prit une grande inspiration et déclara d’une voix claire.
-Nous sommes de Fiist.
Le regard du colonel, qui restait indifférent jusqu’à maintenant, devint soudain plus sombre et une expression de gravité se peignit sur son visage. La situation venait de prendre une tournure qui ne présageait rien de bon. Jirroh et le reste le l’équipage commençaient sérieusement à s’inquiéter. Bien qu’ils aient pris conscience qu’une fois que la G.A saurait qu’ils sont de Fiist la situation empirerait, ils avaient tous un mauvais pressentiment.
Le colonel Wysthlor leur ordonna de les suivre une bonne fois pour toute. Les militaires d’Hirmonia prirent les armures mobiles de Fiist, les vaisseau seront transportés plus tard à l’aide de plateformes mobiles; leurs pilotes ainsi que le reste du groupe de sauvetage furent faits prisonnier et emmenés au Palais de la Garde.
CHAPITRE 5
Dérapage I – La puissance de Fiist
L’arrivée de la Garde Améthyste aux portes de la grande cité d’Hirmonia fit du bruit et suscita la curiosité de tous les riverains. Les hirmonian qui se trouvaient déjà dehors se précipitèrent aux portes de la ville, et ceux qui avaient entendu parler de cette arrivée surprenante sortirent de chez eux pour assister au spectacle. La Garde Améthyste n’intervenait jamais au-delà de l’enceinte de la ville, et les seules et rares fois où les habitants avaient pu la voir franchir les portes principales étaient lors de brefs entrainements pour préparer la réceptions de personnes importantes, ou pour assurer l’arrivée de convois spéciaux susceptibles d’être attaqués par des pirates ou autres bandits. Mais cette fois, à la surprise générale, la G.A sortait pour un « cas de force majeur », comme l’annonçait la plupart des soldats qui gardaient les portes principales.
Une marée humaine déferla donc sur l’Allée Émeraude qui reliait les portes principales et le Palais de la Garde. Cet immense boulevard mesurait plus d'un kilomètre de long et une centaine de mètres de large. Tout le monde voulait voir défiler les soldats de la G.A dans leurs uniformes flamboyants ainsi que les légendaires Gilgamesh et Titans, ces robots hauts d’une quinzaine de mètres qui ont jadis permis à la cité de gagner de nombreuses batailles. Dès que la Garde Améthyste passa les lourdes et gigantesques portes qui marquaient l’entrée de la ville puis traversa le pont suspendu séparant encore l’enceinte même d’Hirmonia et l’extérieur, la foule s’excita d’un coup et l’acclama avec force et enthousiasme. Mais cet engouement laissa très vite sa place à la curiosité : de nouvelles armures apparurent derrière celles d’Hirmonia et une plateforme mobile transportant trois navettes suivait la garde. Un certain nombre de prisonniers aux poings liés étaient visibles, les soldats de la garde les tenaient en joug sur la plateforme. Lorsqu’une personne fit remarquer que les prisonniers étaient militaires, la curiosité et la surprise grandirent rapidement dans les rangs qui longeaient l’Allée Émeraude. Les hommes de Fiist sentaient tous les regards peser lourdement sur leurs épaules. Ils percevaient dans les yeux des habitants de la grande cité une sorte de haine naissante et en même temps un certain intérêt. Les gens voulaient en savoir plus sur ces militaires étrangers.
Loin derrière la Garde Améthyste et leurs prisonniers, Helena peinait à suivre. Elle s’arrêta et prit appuie sur ses genoux dès qu’elle fut entrée dans la cité pour reprendre son souffle.
-Hilon…
Plus tard, les hommes de Fiist se tenaient au centre d’une salle circulaire immense : ils pensaient être emmenés à la base militaire d’Hirmonia mais, à leur grand étonnement, ils furent emmenés au tribunal impérial au cœur de la cité.
La salle où se déroulait l’audience était ronde. Le sol légèrement incliné constituait les tribunes en amphithéâtre, permettant ainsi aux spectateurs les plus éloignés d’avoir une vue d’ensemble de la salle. Les entrées se trouvaient en haut des tribunes, à dix mètres au dessus de l’estrade où se tenaient les juges, le jurés et les autres acteurs des procès. Au dessus des tribunes, l’unique mur qui formait la salle était couvert de dorures et de fresques représentant des scènes de combats épiques, notamment de la grande guerre qui opposa Fiist à Hirmonia des siècles auparavant. Une large et haute baie vitrée s’étendait derrière l’estrade, offrant une vue imprenable de l’ensemble de la ville. Le haut plafond constituait un dôme soutenu par des voûtes de pierre blanche, un ciel clair et bleu avec quelques nuages nuancés des couleurs de l’aube y était peint.
Les tribunes étaient noires de monde. Il n’y avait déjà plus de places assises au bout de cinq minutes tant cet évènement intriguait les habitants de la cité. Malgré le monde qui s’était précipité aux portes du tribunal, Helena parvint à se frayer un chemin jusqu’à la salle, mais il y avait tellement de monde qu’elle dut se contenter d’assister à la scène depuis le haut des tribunes, appuyée à la barre de maintient qui longeait l’arrière du dernier rang. Comme tout le monde, elle regarda les prisonniers de Fiist se diriger vers l’estrade, accompagnés de gardes armés qui pointaient inlassablement leurs armes sur eux. Certains d’eux, inconscients du risque qu’ils couraient, levaient les yeux vers le plafond pour admirer la peinture du dôme et les fresques sur le mur concave ; d’autres regardaient au travers de la baie vitrée avec mélancolie, et seulement quatre d’entre eux restaient sérieux et observaient attentivement les personnes qui se trouvaient devant le groupe. Hilon, perdu dans ses pensées et sentant un lourd poids sur ses épaules, balayait les tribunes du regard. Il crut apercevoir Helena derrière le dernier rang, mais un commentaire d’un membre de l’équipe de sauvetage retint son attention et il se retourna vers le groupe avant d’avoir pu vérifier si c’était bien elle.
-Ils est arrivé rapidement notre procès.
-Tu parles ! Ils ont dû monter notre dossier avec un sérieux irréprochable, ironisa l’un d’eux.
-Dites pas n’importe quoi, répliqua le major Howard. Il n’y a pas de dossier, ils n’ont pas de quoi en faire un.
-Boui, c’est évident, dit l’un en faisant la moue.
-Donc, ça veut dire que ce n’est pas un véritable procès ? demanda Hilon à Jirroh.
-C’est ça en gros, répondit-il, mais du coup on ne sait pas vraiment ce qu’il vont nous dire, ces espèces d’illuminés. Ils ne pouvaient pas nous faire passer un contrôle avant de nous emmener ici ?
-Va savoir, dit Sleya, le pilote de l’Hikan. Mais je n’aurais jamais pensé que nos législations étaient si différentes.
-On s’en moque pour l’instant, reprit le major, ce n’est pas ça le problème. Tout ce qui compte c’est qu’ils nous laissent rentrer chez nous au final.
-Ouais ! J’ai envie de la spécialité Stellène tout d’un coup !
-T’en manges presque tous les jours ! Tu vas finir par être écœuré par ce plat à la fin !
-Même pas vrai ! C’est tellement bon que je pourrais en manger tous les jours pendant dix ans! Stellène Pastas power !
Leur bonne humeur à peine retrouvée s’envola lorsque le juge ramena le calme parmi l’audience. Ils retrouvèrent tous immédiatement leur sérieux et fixèrent le personnage imposant qui venait d’entrer en scène.
C’était un homme à forte carrure, au visage droit et large et au regard sévère. Une perruque blanche de magistrat couvrait son crâne chauve et une barbe blanche taillée en collier achevait d’établir le dur caractère du personnage. Et sa longue robe noire de juge le rendait plus sombre encore. Il prit lentement place devant la foule en suspens et demanda une dernière fois l’attention de toute l’assemblée grâce à sa voix forte. Le colonel Wysthlor dévala aussitôt les marches entre les tribunes pour rejoindre le juge et les prisonniers, sa propre garde le suivait fidèlement. Les soldats de la Garde Améthyste, enfin sur l’estrade et face au juge, se courbèrent solennellement la main droite posée sur le torse. Le colonel se présenta brièvement puis commença à exposer les faits au juge sans plus attendre. Son discours dura environ une dizaine de minutes pendant lesquelles les soldats de Fiist levaient les yeux au ciel, perdaient leurs regards blasés dans toutes les directions et se demandaient pourquoi tant de civiles assistaient à l’audience.
-Ils manquent d’attractions ici ? murmura l’un d’eux.
-Boucle-la !
Le second donna un coup de coude au premier qui étouffa son cri de surprise.
Une exclamation soudaine émanant des tribunes ramena les hommes de Fiist à la réalité : le nom de leur terre natale venait d’être prononcé par le colonel et avait provoqué une vague de surprise et même de révolte chez les habitants d’Hirmonia présents dans la salle. Seule Helena resta de marbre. La seule chose qui la préoccupait était de savoir ce qu’il allait advenir d’Hilon et des autres personnes originaires de l’archipel céleste. Ceux-là sentirent soudain une force incroyable peser sur tout leur être. Les regards de la foules étaient déjà dur à supporter, mais ils devinrent tout à coup insoutenables, oppressants.
-Des hommes de Fiist ?
-Mais que font-ils ici ?
-Des militaires en plus…
Le juge posa son regard sur le major de Fiist :
-Qu’avez-vous à ajouter ?
-Nous sommes en mission de sauvetage qui a pour seul objectif de ramener un de nos habitants qui s’est échoué sur la côte Hirmonian par accident, et nous vous serions reconnaissants de bien vouloir nous laisser mettre un terme à cette intervention.
Le colonel de la Garde Améthyste entama alors un nouveau discours sur le traité de non-violation des territoires entre Fiist et Hirmonia, le regard du juge ne changea pas une seule seconde. Il restait ferme et sévère. Le major Howard sentit que cette affaire n’allait pas s’arranger en sa faveur. La seule chose qu’il attendait était de savoir ce qu’il allait en être de leur sort à la fin de la tirade du colonel et lorsque le juge sortira de sa torpeur.
Finalement, une trentaine de minutes plus tard et au grand soulagement des détenus de Fiist, le juge réclama le silence dans l’audience pour prononcer son verdict : les hommes de Fiist seront retenus en détention jusqu’à l’ouverture de négociation avec les hauts dirigeants de la terre céleste. Ce fut une décision sans appel.
-Quelles négociations ? s’indigna Howard. Il n’y a rien à négocier ! C’est quoi cette législation de merde ?!
Des gardes pointèrent leurs hallebardes vers le groupe qui commençait à s’agiter.
-Vous avez violez le plus importants des pactes qui existent en ce bas monde, répondit calmement le juge. Nous devons débattre sur les termes de votre rapatriement.
-N’importe quoi ! Vous n’avez que cette fausse excuse à la bouche ! Vous savez pertinemment qu’un tel procédé ne sera jamais accepté par les instances internationales !
-Ils nous prennent en otage, ces enfoirés d’Hirmonians !
-Ferme-la sale cloporte ! »
Un soldat de Fiist fut frappé à l’abdomen, plusieurs furent menacés d’exécution pour rébellion et une violente riposte des hommes du ciel s’en suivit. Certains sortirent des armes blanches dissimulées dans leurs uniformes et d’autres s’emparèrent d’hallebardes appartenant aux ennemis, même Hilon prit part à l’émeute.
« Hoho ! Alors comme ça on veut se dresser contre la main exécutrice de Hirmonia ? fit le juge.
-Quel est donc ce comportement, major Danael Howard ? s’exclama le colonel Wysthlor, qui avait dégainé son sabre qui témoignait de son rang. Jusqu’à maintenant je vous avais cru plus raisonnables que ça !
-Gardez ce genre de commentaire pour vous ! Cela crève les yeux que vous vous intéressez aux armures mobiles !
-Hm…
-Ce procès à deux balles c’est du vent ! Dans une situation réelle vous auriez effectué un contrôle pour vous assurer du motif de notre présence ici, vous auriez pris en compte l’urgence de la mission, vous auriez contacté nos supérieurs hiérarchiques et vous nous auriez simplement escorté jusqu’à la limite de votre zone territoriale aérienne, et tout ça se serait réglé à l’amiable !
-Tout ceci n’est que baratin mon cher major, reprit le juge. De toute évidence vous n’êtes pas au courant des procédures dans un tel cas de…
-Épargnez-moi votre boniment ! coupa le major. De toute évidence, c’est vous qui n’êtes pas au courant des procédures légales en situation de violation de pacte entre États ! A moins que vous ne les ignoriez tout bonnement, et dans ce cas c’est votre système tout entier qui est corrompu !
-Il suffit !
Un corps armé pénétra d’une manière fracassante dans le tribunal. Les soldats de la garde qui venaient d’arriver se mirent aussitôt en rang, faisant reculer les spectateurs venus assister à l’audience et créant ainsi, entre eux, un passage assez large pour laisser passer un imposant personnage tout en assurant sa protection. C’était l’Empereur de Hirmonia, Bronn Van deVeld, dont le visage était caché derrière un voile blanc. C’était un homme assez grand et âgé mais au corps banal, à la limite du maigre. Ce qui le rendait imposant était son costume d’empereur qui l’élargissait considérablement, et tout l’ornement en tissu précieux qui lui entourait le cou et lui couvrait la presque totalité de sa tête. Ses gardes du corps et les autres soldats aux uniformes jaune et rouge pointèrent leur armes à feu vers les soldats des cieux sans qu’aucun ordre ne leur soit donné. Toutes les personnes présentes dans le tribunal se figèrent devant une telle armée, et les soldats de Fiist durent se résigner à redevenir calmes. Mais il n’était pas question pour eux de se laisser faire pour autant.
« Bersk, murmura simplement le major.
-Je sais, répondit-il.
-Qu’est-ce que vous mijotez les vieux ? demanda Jockan. Si on fait mine de bouger le petit doigt, à part faire des courbettes de soumis, on va finir en serpillères !
-Nan, reprit Miles, « passoire ». C’est en passoire qu’on va finir. Pas en serpillères, abruti.
-Vas te pendre avec tes tripes !
-Quelle équipe de débiles, soupira Sleya. Mon adjudant !
-C’est adjudant-chef ! rétorqua Bersk. Et c’est plutôt à moi de te dire ce qu’il faut faire !
-Non, c’était pour vous demander si je pouvais avoir une ration gratuite en arrivant au bercail.
-Hein ?
-J’me suis pas porté volontaire pour une mission de rang S, en plus j’suis pas rémunéré !
-Tu peux pas être rémunéré si t’es volontaire, fit Jockan. Révises tes… tes...
-Ferme-la « Joke ».
-Lâchez-moi la grappe bande de débile ! cria-t-il.
-Arrête de faire le con ! Tu vois pas qu’on va se faire flinguer si on reste pas calme ?!Espèce de débris !
-Taisez-vous tous les deux, ou si jamais on s’en sort je vous ferais dégrader !
-C’est moi qui vous ferais dégrader le vieux ! Vous vous rendez compte qu’on va s’faire buter avec vos conneries ?!
-Cela commence à bien faire !
Les deux hommes se menacèrent mutuellement en se mettant une lame sous la gorge. Les soldats de la garde impériale commencèrent à rire et, dans cette infime détente, baissèrent leurs armes.
Regardez ça, ils vont s’entretuer, notre problème sera réglé sans qu’on ait à intervenir !
Un rictus apparut sur chacun des visages des membres du groupe de sauvetage, à l’exception de Hilon qui venait tout juste de comprendre ce qu’il se tramait. Un nuage de fumée surgit au milieu du petit groupe de détenus, ce qui provoqua la surprise parmi la foule de spectateurs et les soldats de la garde.
-Des fumigènes ?!
-Ils sont parvenus à en garder sur eux. Feu !
-Ne tirez pas ! On risque de toucher les nôtres et les civils !
Les vitraux faces à la grande entrée du tribunal volèrent en éclat, un fracas du tonnerre résonna depuis l’extérieur et une ombre apparut de l’autre côté des éclats de verre. Lorsque les soldats impériaux comprirent ce qu’il se passait, les détenus sautaient déjà au travers le vitrail qui continuait de s’effondrer lentement.
-Bordel ! Qu’est-ce que c’est que ça ?
-C’est leur machine !
Le Hikan se tenait un genou à terre devant le tribunal du Palais de la Garde, le cockpit était ouvert et tous les systèmes qui mettaient en marche le robot tournaient à plein régime. Avant que les membres du groupe de sauvetage ainsi que Hilon ne touchent le sol un quinzaine de mètres plus bas, une lueur bleue portée par un étrange souffle amortit leur chute et leur permit d’atterrir sans problème. Les soldats de la garde qui s’étaient précipités au vitrail brisé restèrent éberlués en voyant un tel phénomène.
-C’est ridicule ! Ils devraient avoir les membres brisés !
-Ils devraient être morts oui! Qu’est-ce que ça veut dire ?!
-C’était quoi, cette lueur ?
-Hm ! fit le juge.
Ce dernier se tourna vers l’empereur, Bronn Van deVeld, qui demeura immobile jusqu’alors. Il sembla trembler pendant une poignée de secondes puis, tendant sa main grande ouverte devant lui :
-Rattrapez-les et récupérez leur machine !
Au même moment, le major Danael Howard et l’adjudant-chef Bersk s’emparaient de plusieurs véhicules de l’armée d'Hirmonia avec leurs hommes, ils se dirigèrent aussitôt vers les portes de la ville. Sleya était remonté à bord de l’Hikan et ouvrait la voie devant eux en repoussant les soldats de la garde. Lorsqu’ils furent sur le pont suspendu qui séparait la cité du reste du continent, plusieurs canons qui surmontaient la muraille qui entourait Hirmonia pointèrent le groupe des fugitifs ; quand ils firent feu, deux cercles violets emplis de signes étranges se formèrent devant l’Hikan qui s’était retourné juste à temps, et ces deux cercles concentriques bloquèrent les obus tirés par les canons qui explosèrent sous le choc de la répulsion. Les Fiistans purent alors continuer leur échappée et passer les derniers remparts de Hirmonia.
« Ils nous envoient leurs armures maintenant ! »
Trois Gilgamesh furent lancés à leur poursuite en même temps que les canons se remirent à tirer. Les obus explosèrent sur la barrière créée par l’Hikan ou furent déviés par celle-ci, et après trois salves d’obus sans effet, les tirs de canons cessèrent et au même moment les trois armures mobiles de la Garde furent à la hauteur de celle de Fiist. Aux commandes de l’Hikan, Sleya désactiva le bouclier et se prépara au corps à corps, décrochant du dos du robot une lame gigantesque qui vibrait à une fréquence insoupçonnable. Les vibrations étaient telles que l’air ondulait autour de la lame. L'Hikan s’arrêta et fonça sur ses ennemis, sa lame tendue vers l’arrière, alors que les Gilgamesh pointèrent leurs fusils sur lui et s’apprêtèrent à faire feu. Mais Sleya était déjà à leur niveau et fendit sur le premier du trio avant de le couper en deux au niveau du buste. Le premier Gilgamesh alla alors s’écraser sur la terre ferme, plusieurs dizaines de mètres plus bas.
-C’est quoi cette arme ??
-Il a réussi à cisailler le blindage sans la moindre difficulté ! Faut qu’on reste à distance !
Les deux armures d’Hirmonia s’éloignèrent alors de l’Hikan et purent enfin commencer leur offensive. Sleya prit de la hauteur et activa de nouveau son bouclier qui le protégea aussitôt des tirs de l’ennemi. Mais ils tiraient avec une insistance telle que le bouclier semblait céder, il vacillait distinctement. Sleya préféra le désactiver encore au risque de subir quelques dégâts et, au moment où celui-ci se dissipa, il virevolta vers la droite et entama une descente rapide tout en matérialisant deux nouveaux cercles lumineux devant lui. Ceux-ci rougeoyaient et étaient disposés chacun d’un côté du robot ; mais les Gilgamesh n’avaient pas lâché leur cible et il continuaient de le fusiller. L’Hikan fut touché à plusieurs reprises mais ne s’arrêta pas dans sa haute voltige et, alors qu’il arrivait à la même altitude que les Gilgamesh, il stoppa sa descente et se tourna vers les deux armures qui n’avaient pas cessés leurs tirs. Les deux cercles rouges se rétractèrent et, soudain, un rayon de la même couleur surgit des centres des cercles et se dirigea vers les Gilgamesh. Pris au dépourvu, ceux-ci n’eurent pas le temps de réagir et furent touchés de plein fouet par l’étrange attaque ; pris dans cette mystérieuse vague rougeâtre, ils ne parvinrent pas à s’en échapper et explosèrent en plein vol.
Les hommes de la Garde qui assistaient au combat depuis leur tour de contrôle n’en crurent pas leurs yeux, et seuls les ingénieurs les plus intrépides et dont la soif de réussite étaient inébranlables trépignaient de curiosité. L’empereur, qui avait également été témoin des capacités prodigieuses qu’apportait la technologie et la science de la cité céleste, demeurait lui aussi dans un état d’excitation proche de la folie. Le colonel Wysthlor, quant à lui, restait sérieux et paraissait plus calme que jamais alors que la rage brûlait au fond de lui.
Tout droit dans le ciel azur, l’Hikan se tourna vers Hirmonia, sa base militaire et tous les hommes qui le regardaient de loin, puis pointa sa lame tranchante dans leur direction.
-Ne sous-estimez jamais la puissance de Fiist ! |