La place du village grouillait de monde. L’incompréhension grandissait en même temps que le vacarme. Les gens étaient perdus et cherchaient à en savoir plus. Les gardes refusaient de répondre et sommaient d’attendre la venue du régent.
Un tas de vieilles armes et armures étaient entreposées au centre de la place du village. Elles faisaient parties d’un stock que la garde prêtait aux hommes du coin quand ils venaient donner un coup de mains pour défendre le village. Comme la région était peuplée majoritairement de petits paysans, la solution la plus simple était d’avoir à disposition un attirail pour armer les volontaires. Ainsi, les premiers arrivés étaient les premiers servis. Ils ne restaient plus que quelques armures de cuire, des boucliers de bois et de fer rouillé et des armes usées.
Cet armement miteux était plus que bien venu, car seuls les plus riches possédaient un équipement plus digne.
Une grande majorité d’hommes constituaient cette armée de campagne, mais des femmes étaient venues aussi pour combattre. Peu nombreuses, elles accompagnaient souvent un proche ou venaient à la place d’un homme souffrant ou trop vieux pour lever une lame.
La logique morale en XARAV voulait que les femmes soient le dernier rempart des villes et on préférait qu’elles restent à l’arrière. Mais on ne refusait jamais l’aide d’une femme de XARAV, c’était souvent une histoire d’honneur et personne ne pouvait s’y opposer.
Ces troupes de fortune souvent mal entrainés, possédait un atout, la force et une certaine robustesse. Les volontaires palliaient souvent leurs manques de technique, par une volonté et une hardiesse peu communes. La plupart du temps, le nombre de volontaires, plus la faiblesse des ennemis, contribuaient à une victoire certaine. Cette fois semblait pourtant différente, car la demande courte mais ferme du régent avait éveillé des inquiétudes. En ajoutant à cela, l’incertitude sur l’ennemi et son nombre, le village avait été comme pris de panique.
Traversant la foule facilement, jusqu’au tas d’armes, Hëngor, lui, n’avait plus de doute sur la gravité de la situation. Il savait que toute cette foule devait servir un plus grand combat. Il devait imposer à son fils de rester le plus loin possible de la première ligne. Il arriva devant le tas d’armes et compris vite qu’il n’y allait pas avoir beaucoup de solutions. Un garde lui adressa la parole :
-Hëngor Sildenval, je suis heureux de te voir, ça fait plaisir de savoir qu’on à des gaillards dans notre camps.
« Hart Villal, c’est toi le bonhomme qui garde toute cette merdouille ! »
-Ouai, mon petit père, tu cherche quoi ? Je crois que j’ai vu une ou deux bonnes haches, malheureusement le code est strict cette fois-ci, une arme par homme. Apparemment, tu ne pourras faire comme d’habitude, une dans chaque main.
« Ecoute, tu pourrais m’avoir un arc ? »
-Euh, non, on en n’a plus ! Attends, toi ? À l’arc ? Ne me dis pas que tu voulais te planquer derrière ?
« Pas si fort, c’est pour mon fils ! Cet entêté voulait que je l’amène, il a jamais manié une arme et il est trop jeune … »
-Bon, je comprends, attends, écoute je peux le caser dans la 4ème ligne d’attaque, parce qu’il est jeune et que je peux bien faire ça pour toi. Je t’en dois une, en plus. Mais grouille, amène moi ton gosse, parce qu’avec l’inquiétude, tout le monde joue des coudes pour rester le plus loin possible du front.
« Merci, tu me sauves ! Ce gamin, c’est vraiment une mine à emmerdes quand il se met en tête un truc. Je ne sais pas où il est d’ailleurs, il était derrière moi ! »
-Fais vite, parce que, quand le régent arrivera, je ne pourrais plus t’aider.
« Je vais l’attraper et j’arrive, il doit glandouiller derrière ! » Hëngor se retourna et repartit sur ces pas, en bousculant tous ceux qui empiétaient sur son passage. Arrivé au milieu de la foule, il trouva son fils en train d’écouter un marchant du village se vantant de l’épée qu’il s’était faite forger et qu’elle était coupante comme les griffes des ours des montages.
Hëngor tira son fils du groupe de badauds écoutant le discours. L’air mécontent et pressé, il prit son fils par le col et le poussa en avant. Il rouspéta :
-Aklameon, tu ne trouves pas qu’on a autre chose à faire, qu’à regarder cet imbécile de Chrodos de se vanter de son petit pique à klumrut. Aller, avances !
« Mais je voulais savoir ce qui se disais sur le combat à venir. »
-Non, là tu flânes, tu ne fais rien, pousses les gens, si ils ne se poussent pas ! On ne vient pas au bal chercher des demoiselles. Ils ont des armes c’est bien, et ils se poussent, poussent-les ! Dit Hëngor en refoulant son fils dans le sens de la marche.
« P’pa, tu m’écrases contre eux … »
-Tu veux pas que j’te porte non plus. Tu fais le fier, mais on n’est pas arrivé, alors tu vires les gens ou c’est moi qui le poussent, mais avec toi au milieu.
« Ok, j’avance, j’avance ! » fit le fils en s’infiltrant entre deux hommes d’une bonne taille.
Après avoir, bousculer autant de gens à l’aller qu’au retour, Hëngor agrippa le garde et le montra à son rejeton :
-C’est Hart, tu sais, mon camarade dans la garde, celui que j’avais sauvé de l’ours qui courait en ville.
-Ah ok c’est lui, je croyais qu’il était plus vieux, comme tu me l’avais décrit. Dit Aklameon, en avançant vers le garde.
-Ah petit, ton père m’a souvent parlé de toi, à la taverne quand on allait boire un verre. Evoqua t-il en serrant la main du garçon. Puis continua.
-Il te faut une épée, un bouclier, … ?
-Euh, je sais pas trop. Fit le jeune homme d’un air pensif.
-Mets lui, une lance et un bouclier et un casque si t’as encore. La lance, ça marche comme une fourche c’est bien pratique. Répondit le père en regardant son fils. Ce dernier répliqua :
-Mais c’est nul, un lance, ça donne l’impression que je compte frapper de loin, par derrière, en traître.
-Ecoutes, ça va très bien pour la ligne où tu seras, dit le père en glissant un regard au garde.
Hart réagit aussitôt, pour calmer le garçon, tout en expliquant le concept de la lance :
-Hëngor, s’il est en 4ème ligne, la lance ça ne conviendra pas, il risquerait d’embrocher ceux qui sont devant, les premières, deuxièmes et troisièmes lignes. Mais on a besoin de portes drapeaux, les gens se précipitent sur les armes bien lourdes, mais les drapeaux c’est important.
Lèves pas les yeux au ciel, gamin, le drapeau c’est comme l’uniforme ça plait aux femmes, même dans les récits. Et le porte drapeau, a en plus, une dague. Ce n’est pas une épée, mais c’est tout aussi tranchant.
Le garçon commença à approuver, l’idée que lui soumettait le garde. Hëngor satisfait, poussa dans le même sens.
- Vaut mieux, un drapeau et une bonne dague, qu’une épée rouillée et complètement émoussée. Tu pourras faire le fier avec ton drapeau.
-Bon bin, je vais prendre ça, mais je viendrais me plaindre si on me traite de « petits bras » ou d’un truc dans ce goût là. Estima le jeune homme.
-Ne t’inquiètes pas, personne ne se moque d’un porte drapeau, c’est un honneur de représenter son village. Répondit Hart avec un grand sourire.
Aklameon prit le drapeau, la dague et son fourreau, cependant, la ceinture était un peu grande et le fait que le garçon soit mince l’obligeait à remonter la dite ceinture assez souvent pour éviter d’être gêné par le fourreau, qui avait du mal à tenir en place. La dague qui était sur la jambe gauche de l’adolescent, descendait doucement en glissant vers l’entre-jambe. Très vite, le garçon tenta de faire une sorte de nœud de fortune pour éviter d’avoir à subir le glissement constant du fourreau. Hëngor ricana doucement sur l’allure de son fils, mais se retint de tout commentaire désobligeant. Puis le père tenta de trouver une arme correcte pour lui-même. En fouillant sous des boucliers, il trouva une hache de fer convenable, puis prit un bouclier en peau et en cuire qui avait l’air résistant. Il jugea rapidement son matériel, esquissa un ou deux gestes, mimant une frappe et il fut satisfait. Il gratta sa barbe sombre et appela son camarade :
-Hart ! t’aurais pas un casque ou deux qui trainent !
-Je crois que j’ai quelques casques en cuire par ici, vaut mieux pas prendre ceux en fer qui restent, ils tombent en lambeaux ! cria le garde qui était parti un peu plus loin.
Le jeune garçon attrapa un casque en fer, mais le discours de Hart s’avéra vrai, le casque était petit et enfoncé de toutes parts. Les lanières n’étaient que de vulgaires bouts de ficelles, on avait dû le réparer trop rapidement. Aklameon lâcha le casque avec une certaine affliction, puis il suivit son père qui avait rattrapé Hart. Ces deniers discutaient les armures :
- Non mais Hëngor ne cherche pas, je te dis qu’il n’y a plus d’armures de cuire, y en avait tout à l’heure, mais plus maintenant. Il me reste que des tenues en peau, mais elles sont épaisses. Fit le garde en effectuant des grands gestes.
- Fait pas ton marchant de babioles, je le vois bien si elles sont épaisses ou non. Regarde, il est reste une armure de cuire là ! Hëngor renversa la pile d’armure pour saisir celle qu’il voulait. A la vue, de celle-ci, le garde rouspéta :
-Mais tu vois bien qu’elle est trop petite cette armure, même ton fils aurait du mal à entrer dedans !
-Mais si, mais si mais si, regarde il va la mettre ! Enfiles ça toi ! ordonna le père en plaquant l’armure contre le torse de son fils, qui eu du mal à garder l’équilibre face à cette transmission brusque.
Les deux hommes regardèrent en suite le garçon se tortiller pour essayer de revêtir la fameuse tenue. Qui, au final taillait petit. Aklameon se trouva plutôt engoncé dans son habit, auquel il manquait une dizaine de centimètres pour couvrir totalement, le haut du jeune homme. Malgré, un défaut visible de taille, Hëngor partit sur sa lancée, refusa d’admettre son tort et proféra simplement :
- Bin voilà, très bien, elle te va très bien. Tu vois ! En tapant sur l’épaule de son fils, qui avait du mal à se sentir, complètement à l’aise, dans sa tenue. Hart et Aklameon échangèrent un regard et le garçon fit signe de ne pas en dire plus.
Le père empoigna un gilet en peau et l’essaya et de façon brève, il déclara :
- Je prends ça, il me va, on ne va pas tergiverser.
Puis, il prit des bonnets en cuir de bonne facture, en enfila un et donna l’autre à son garçon. Et là encore il émit un jugement rapide et net :
- Ca aussi, de toute façon, je crois qu’on ne trouvera pas mieux. On n’est arrivé trop tard, et on ne trouvera pas de trucs plus résistants. Hors Hëngor avait oublié de se tourner vers son fils pour qui le bonnet était largement trop grand. Le bonnet lui couvrait tout le front et une partie du regard. Le garçon attira donc l’attention pour faire remarquer ce léger souci :
- Ouai mais non, je vois rien moi. Hart tu l’aurais pas mais en plus petit !
- Attends gamin, je regarde ça !
- C’est vrai que t’as un air de petit gars pas bien fini, avec ce truc autant enfoncé sur ton crâne. Admit le père en enlevant le bonnet de la tête de son fils.
Le garde confia plusieurs bonnets à Aklameon qui les essaya les uns à la suite des autres, pour trouver la bonne taille. Mais l’adolescent avait du mal à trouver ce qui lui convenait. Et c’est un vieux bonnet en peau qui s’avéra être le plus adapté. Celui avait pourtant un défaut que le garçon sentit très vite :
- Hé, mais attends, ce truc me gratte ou, il y a un truc qui bouge à l’intérieur. Soutint le jeune homme avec un air dégouté. Mais son père ne souhaitait pas chercher plus et trouva une solution plus simple.
- Ca te gratte où ?
- Euh par là ! fit l’insouciant en montrant le coté droit de son bonnet.
Hëngor envoya une grande tape, avec le plat de la main, dans la zone en question et répondit à son enfant qui semblait douloureusement surprit.
- Voilà, si ça bouge plus, soit c’est mort ! Soit ça c’est barré ! Sinon si ça cours toujours, je peux te remettre la même en un peu plus forte et la petite bête sera pas déçu du voyage.
-Non, c’est bon papa, je me débrouillerais tout seul. Sursauta le fils devant la proposition.
Le grand homme se retourna vers son camarade afin de clôturer la séance d’essayage :
- Bon, je crois qu’on a tout. T’as noté ce qu’on a prit Hart, parce qu’après on va te laisser.
- Pour le matériel, c’est bon. Par contre, je vais devoir d’emprunter ton gosse maintenant, parce ce qu’après y aura plus d’autres occasions de le faire passer en quatrième lignes. Suggéra le garde avec compassion.
Le père et le fils se regardèrent, il eu un instant de flottement. Puis le garde continua :
- Aklameon tu devrais dire au revoir à ton père …
La manœuvre était un peu brutale pour le garçon, qui venait de se rendre compte de la situation. Il était soudain passé d’un moment convivial à un moment plus solennel. Il se rendait compte par la rapidité du basculement, de la véritable amorce du combat. Il entrait maintenant dans un univers inconnu, qu’il devrait affronter, sans la présence de son père.
Il se sentait happer vers cette bataille, qui en un instant, l’avait rattrapé et mis en face de la vérité. Il percevait en lui, maintenant, une fragilité. Il venait d’être mis à nu, devant ses doutes en une fraction de secondes, cette phrase avait bouleversé, le paisible équilibre de sa vie. L’affrontement paraissait alors si proche, qu’il eu une angoisse. Il tenta de la réprimée aussitôt. Cela lui faisait une légère boule au ventre. Il ne souhaitait pas que son père, le laisse ici. Mais à présent, c’était devenu inévitable. Il regarda dans les yeux de son père et ce dernier y voyait toute la détresse de son fils. Les deux n’avaient pas de mots pour dire, de façons simples, ce qu’il ressentait. Cet instant si court, révélait toute l’innocence de l’adolescent qui cherchait désespérément, à ce moment, une réponse dans le regard de son père.
Le grand homme avait dû mal à se dire, qu’il devait se séparer de son fils. Il savait que fatalement, qu’il devait omettre de l’emmener avec lui, dans les premières lignes. C’était dur d’abandonner son enfant, pour cet affrontement. Ils se fixèrent tous deux, au plus profond du regard et ils captèrent tous deux, ce qu’ils devaient se dire.
- Ecoutes ! Occupes toi bien de toi et je m’occuperais bien de moi. Promit Aklameon à son père.
- Restes fier et fort mon fils ! Au moment où tu combattras dis-toi que je ne serais pas loin. Déclara Hëngor. Il empoigna son fils et continua :
- Tu m’as promis, que les Sildenvals vivront, alors respectes ta parole. Il serra son fils dans ces bras et fini sur cette phrase :
- Tu ne m’as jamais déçu, alors continues à ne pas me décevoir. Il relâcha son fils et le poussa vers le garde. Hart saisit Aklameon et l’emmena froidement plus loin. Le jeune homme regarda en arrière pour apercevoir son père. Hëngor vit son enfant s’éloigner, il était triste et préféra tourner le dos afin de ne pas verser de larmes.
L’adolescent était perdu entre la déclaration de son père, et le déchirement que cette séparation provoquait. La boule au fond de son estomac grossissait. A mesure, qu’il s’éloignait, il ressentait comme de la solitude. La foule lui cachait maintenant son paternel et il avait beau chercher du regard, il ne le voyait plus. Ce fut pourtant bref, mais il n’arrivait pas à se remettre de cette situation brutale. Le garde comprenait l’effet de cet éloignement, mais c’était un mal nécessaire. Hart tenta de rassurer la jeune recrue :
- Ecoutes gamin, c’est mieux pour vous deux, après tout, vous allez devoir vous concentrez sur l’épreuve à venir. Faut pas t’en faire, ton père est un homme solide ! Faut que tu penses à ton combat.
Le garçon ne répondit pas, il était figé dans ses pensées à cause l’anxiété qui montait en lui. Il n’arrivait pas à écouter autre chose que ses propres songes. Il s’enfermait petit à petit dans cette peur, qui venait de le saisir et qui se faisait de plus en plus profonde. Le garde secoua par les épaules le frêle guerrier, pour attirer son attention.
-Oh gamin ! Arrêtes de réfléchir ! Faut pas trop réfléchir avant un combat ! On pense toujours au pire et on ne se prépare pas. Tiens, si on s’entrainait, on a s’en doute un peu de temps encore. Enfin, je veux dire tu vas t’entrainer avec un gars et moi je vais retourner m’occuper du prêt d’armes et tout le reste.
Aklameon releva la tête comme pour écouter, mais il ne semblait guère inspiré par la proposition. Il émit un signe de tête timide comme pour dire « oui ». Mais le jeune homme, n’avait plus trop le cœur à lever une arme. Il tenait le drapeau mollement et le bas raclait de temps en temps par terre. Il trainait presque les pieds. Il soupirait doucement avec un air abattu, comme si on l’avait forcé à être là. Le garde et l’adolescent arrivèrent près d’un grand groupe d’hommes qui discutaient ensemble. Puis le garde alla trouver un sous-officier pour lui présenter la recrue.
- Je vous amène des renforts ! Commença le garde.
- Il n’a pas l’air d’être bien vaillant ton renfort. S’esclaffa son supérieur en voyant le jeune homme au regard morose, qui était courbé sur lui-même. La remarque fit rire un grand nombre de personnes autour. Le garçon se redressa à peine et leva la tête, affichant un visage peu joyeux, voir un peu vexer. Hart tapa dans le dos du garçon, en affichant un grand sourire.
- C’est le fils d’Hëngor Sildenval, alors je peux m’en porter garant de ce gosse ! Mais par contre faudrait quelqu’un pour l’entrainer un peu. Y réfléchit trop, c’est pour ça qu’il a l’air mou. Affirma le garde.
- Faut qu’on te fasse travailler les bras mon garçon, la tête ça te servira à rien durant une bataille ! Il me faut un volontaire pour bouger le petit, mais il ne faut pas me l’amocher non plus, on a besoin de tout le monde. Demanda le sous-officier à sa troupe de fortune.
Aklameon chercha du regard un compagnon possible, en espérant qu’une grosse brute ne se proposerait pas pour lui faire la leçon. Face à lui, la troupe se regardait, fouillant dans ces rangs afin de trouver un entraineur. Les guerriers se mirent à discuter entre eux comme pour mettre en attente la demande. Le sergent se retourna vers ses hommes. Il s’impatientait, il tapa du bout du pied à quelques reprises. Aucun volontaire ne se présentait pour l’exercice. Le supérieur se frotta la moustache et dans un même temps envoya un message clair d’énervement et ses sourcils se froncèrent. Il attendit quelques instants, silencieux, puis reprit la parole vivement :
-Y en a un qui se bouge le cul, ou j’en chope un au hasard !
L’homme visiblement sous tension, scruta rapidement les rangs devant lui, mais une voix s’éleva pour protester :
-On n’est pas là pour expliquer comment manier une arme à un gamin, on est juste des volontaires qui viennent se battre !
Le sergent devint rouge devant cet affront, il profita des regards surpris qui se tournait vers l’émetteur de la phrase, pour repérer l’effronté. Il l’aperçu et fendit les rangs pour aller attraper par le col l’homme qui ne semblait pas vouloir coopérer. Puis agacer, il vociféra sur ce dernier :
- Des volontaires qui viennent se battre ! Il n’y a pas de volontaires ! Vous avez été réquisitionné ! VOUS ETES SOUS MES ORDRES ! Une phrase de plus et tu pourriras dans une geôle aussi longtemps que je l’aurais décidé. Tu m’as bien compris espèce de merde ! Je ne te demande pas ton avis ! Alors soit tu te décides à entrainer ce gamin, soit je décide pour toi, de la sanction que tu devras subir !
Le sergent éjecta hors de la troupe l’insolent. Un homme d’une trentaine d’années, sortit de la masse, totalement déséquilibré, tellement, qu’il effondra la tête la première sur le sol poussiéreux. Il se releva le visage plein de terre, avec un regard malveillant en vers le garçon, qu’il allait devoir entrainer. Il s’approcha de l’adolescent qui le regardait décontenancer par la scène. Mais alors que l’homme allait provoquer le jeune guerrier, une main rattrapa le combattant à l’air agressif et le fit se retourner. Le sous-officier tenait fermement le fautif et le menaça :
-Qu’est ce qu’il y a mon gars ? Tu veux faire ton intéressant ? Une seule remarque négative de ce gosse et je te mets au trou, un seul geste déplacé et je te mets au trou, une parole de trop et je te mets au trou. C’est bien clair. Je ne te permettrais pas de remettre en cause mon autorité. Ok ?
L’homme poussiéreux se ravisa et baissa les yeux en signe d’acceptation. Hart qui avait suivi l’altercation s’avança pour parler à son supérieur.
-Bon, je vous laisse je dois encore délivrer de l’équipement aux autres personnes.
-Allez-y ! Votre protégé fait maintenant parti de mes troupes. Quand à toi, tiens mieux ce drapeau, je veux voir le fanion battre dans le vent ! Annonça le sergent.
Aklameon répondit promptement à l’ordre et se mit dans une position plus convenable. Il ne tenait à produire une attitude à même d’énerver son nouveau supérieur. Il avait presque adopté une position militaire. Hart quant à lui était déjà repartit vers ses obligations. Le sergent s’avança vers l’adolescent, pour lui donner un autre ordre.
- Bon, tu vas suivre cette forte tête et il va te montrer comment on utilise une lame. Y a pas grand-chose à savoir, mais faut faire un peu de pratique pour que ça rentre.
Le jeune homme s’exécuta et rejoignit la personne qui devait l’entrainé, celle-ci s’essuyait le visage en crachotant par terre et regarda d’un mauvais œil le garçon s’approcher. Ni l’un, ni l’autre ne voulait commencer la discussion. L’homme aigris fit un geste de la main, pour demander à son apprenti de venir avec lui un peu plus loin. Ils firent quelques pas, vers un bord de la place du village, pour s’écarter du gros de la foule. Ils s’arrêtèrent dans un espace dégagé. L’homme d’une trentaine d’années se retourna vers son nouveau camarade et lui dit sèchement :
-Je n’ai pas envie d’avoir d’autres problèmes, alors ne fait pas n’importe quoi et te ne fait pas mal, sinon on va venir me le reprocher. Tu vas sortir ta dague et exécuter des mouvements simples, où ce que tu connais, je te donnerais quelques conseils et ça devrait le faire. Ne viens pas me demander des techniques ou des trucs compliqués, je ne souhaite pas me prendre là tête avec ça. Si le sergent nous regarde, tu me le dis et on fera semblant de s’entrainer en croisant le fer. C’est bon t’as compris ?
- Je pense que oui, ça ne devrait pas être compliqué. Répondit sobrement Aklameon.
- Poses ton drapeau sur un mur, sort ta dague et donne des coups dans le vide ! Tu peux faire ça ? Tu sais tenir une arme ? Se moqua l’homme.
L’adolescent ne répliqua pas et réalisa l’ensemble des ordres donnés, par son peu sympathique entraineur. Quand le jeune guerrier sortit sa dague, le nœud de sa ceinture se défit et elle glissa. Le geste imparfait et peu élégant montrait bien l’amateurisme du jeune homme dans l’art du combat. Le guerrier qui le regardait, fut consterné par le manque de bases de son élève.
Le garçon exécuta quelques mouvements avec force, mais cela restait brouillon et visiblement médiocre. Le trentenaire qui était resté jusqu’à ce moment, un simple spectateur, adressa de nouveau la parole à l’apprenti :
- C’est quoi ton nom gamin ?
- Euh, Aklameon Sildenval ! Fit doucement ce dernier.
- Ecoutes Aklameon, ce n’est pas très bon. Regarde ta lame, le tranchant doit être dans le sens de l’ennemi et bien dans le prolongement de ton bras quand tu frappes. Et puis frappes en tendant bien le bras, d’un geste bien vif.
Le garçon redonna quelques coups dans le vide. Mais le mouvement ne plaisait toujours pas à l’entraineur de fortune qui reprit le même conseil :
Non, bien tendu le bras, quand ton geste se termine ton bras doit être bien droit. Là quand tu frappes ton bras reste à moitié plié. C’est vif, mais t’obtiendra un coup plus puissant, si ton bras est bien tendu. Enfin tiens ta dague très fermement, sinon au moindre contact elle va t’échapper et en suite t’es mort. Aller vas-y.
L’amateur s’appliqua. Il effectua une série de mouvements, plus ferme et plus précis, de haut en bas. L’homme plus satisfait de la tournure que prenait l’entrainement donna alors d’autres conseils :
- Bon, maintenant donne des coups en diagonale et à l’horizontale, parce qu’on donne jamais que des coups verticaux.
Aklameon exécuta la demande, et envoya une séquence de frappes de manières différentes, toujours en s’appliquant à tendre le bras. Le geste s’améliorait et le temps s’écoulait peu à peu. L’entraineur qui ne voulait pas accorder plus de temps à cet apprentissage, comptait terminer sa séance par d’autres ordres pratiques.
- Pour les attaques, tu peux aussi donner des coups droits, c’est comme un coup de poing, sauf que ta lame doit être dans le prolongement de ton bras. Sinon, tu ne plantes personne. Pour la défense, suis ton instinct et gardes bien tes réflexes, après faut savoir éviter et encaisser. On ne peut pas dire qu’il y a de secrets. Tu vois comme la situation se présente et en fonction d’où veut frapper le gars, bin tu te protèges. Y a un truc pratique, c’est de regarder où il … .
Le brusque mouvement de la foule attira l’attention du trentenaire qui en oublia sa phrase, puis il dit :
- Ah ? Va falloir qu’on suive le mouvement ! Allez, ranges ton arme et dépêches toi !
Camarades de façon fortuite, les deux guerriers rattrapèrent la foule en tentant de retrouver leur troupe. Les gens s’étaient arrêtés et se taisaient petit à petit, regardant fixement vers le perron d’un bâtiment, le centre administratif de bourg Belfon.
Le régent du plateau de XARAV était là, du haut des marches, il surplombait la foule, vêtue de son armure d’apparat, où l’on pouvait voir, peint en argent, l’un des symboles d’HINGDENWALD, la main de la justice, représentant une main fermée avec l’index levé vers le haut. L’homme avait un visage tendu et un air froid, il attendait que la troupe au grand complet lui accord son attention.
L’homme et Aklameon s’étaient arrêtés, fixant eux aussi le régent, muets, impatients d’avoir plus d’informations. Ils n’avaient pas encore retrouvé l’ensemble de leurs camarades de la quatrième ligne.
Un silence de pesant venaient de s’abattre sur la place, mêmes les gens qui étaient venus voir ou accompagnés les réquisitionnés, ne disaient plus un mot. Le régent contempla la foule toute entière pour lui adresser un message.
- Hommes et femmes d’HINDENWALD ! Notre village est sur la route d’une armée ennemie, les Elfes Noirs traversent notre territoire et seront ce soir à nos portes.
Un frisson parcourra l’assemblée, le régent continua malgré le malaise provoqué par son introduction.
- Cette population maudite n’est pas la bienvenue en XARAV ! Ne disposant d’aucun droit royal pour traverser nos terres, nous nous devons de défendre nos droits. Quelle est cette liberté, que ce donne l’empire noir pour venir pavaner en XARAV ! Le Seigneur et Roi d’HINGDENWALD a reconnu que les Elfes Noirs ne sont pas une nation amie. De ce fait, sur notre territoire, ils deviennent des ennemis. Aucun émissaire, ne nous a été envoyé. C’est donc la preuve de leur hostilité !
La foule haineuse commença à clamer la mort de ces elfes noirs, qui s’aventuraient trop loin, dans ces terres. La population convergeait vers cette envie de combattre. Le régent se fit plus furieux et proféra :
- Habitants de XARAV, je sais que plus de 500 d’entre vous, hommes et femmes, sont venus pour combattre cette menace. Ce n’est pas seulement le bourg de Belfon qui se lève contre cet ennemi, c’est tout XARAV. Si je vous ai demandé de venir des quatre coins de notre plateau, ce n’est pas pour combattre, mais pour faire parler votre haine ! Votre haine de cet empire, votre haine contre ces maudits ! Que ce soir, ils meurent sous nos coups, car nous ne nous soumettrons pas à ces êtres que les dieux ont reniés ! Nous les arrêterons même à un contre trois. Nous sommes solides, nous le ferons !
La population éructa dans une même voix, hurlant pour la mort de ces elfes impies. Protestant ensemble contre cette marche de l’empire noir. Les guerriers levèrent leurs armes ! Les habitants non armés applaudissaient le discours. Le régent en appela aux villageois restant :
- Que les femmes et les vieillards s’arment dans leurs maisons, résistez à l’ennemi ! Défendez votre royaume, vos maisons, vos enfants ! Ces elfes doivent périrent jusqu’au dernier !
Quant à nos fiers soldats, chérissez-les, car ils se battent pour notre vie, notre liberté ! Ils vaincront ce soir ces elfes venant par l’ouest, longeant le fleuve de Mirtor ! Ces maudits trouveront sur leur route tout XARAV, pour rentrer chez eux !
Toute la population applaudit encore une fois le discours de régent, qui profita de cet instant pour levé son poing vers le ciel. La foule cria de plus bel et l’homme du Roi accueilli avec bonheur toute cette rage de combattre. |