Ralf, ses hommes et leurs chevaux tournaient lentement, chaque mouvement semblait trop long, comme exagéré, soustrait au passage du temps. Tout apparaissait brouillé aux yeux de Camille, à l'exception de Thurin, d'elle-même...et de l'homme au visage caché, comme une ombre.
Celui-ci était juché sur son étalon, imperturbable. Un arc apparut entre ses mains entre ses mains, là où rien ne ses trouvait auparavant. Il prit deux flèches dans son carquois, et chacune était noire. Il encocha l'une d'elles.
-Va ! ordonna une voix
Camille n'osa pas désobéir. Elle pressa les flancs de Thurin au moment ou la première flèche fut décochée. Thurin s'élança au galop. Tout le paysage passa comme un éclair. Les deux flèches, elle le savait, la suivaient de leur chant, et ne s'arrêteraient pas avant d'avoir atteint leur cible.
Les sabot de Thurin imprimaient leur rythme dans tout son corps, mais elle avait l'impression qu'ils volaient.
Ils y avaient d'autres sabots martelant, d'autres cavaliers à ses cotés, d'une blancheur translucide. Les arbres et les bâtiment n'étaient pas des obstacles pour eux, ils les traversaient tout bonnement. Ils l'appelaient de leurs voix lointaines, qui sonnaient comme un cri de guerre :
-Vole, Camille, vole ! C'est notre dernière Chevauchée !
Derrière elle, des bras froids lui enlacèrent la taille.
-Vole, murmura le Messager Sylphe. C'est la Chevauchée des Morts.
Plus le paysage devenait flou, plus elle voyait nettement les cavaliers. Des hommes et des femmes en grands manteaux ou en tuniques montaient des chevaux de guerres. Tous voyageaient à la même allure surnaturelle qu'elle et Thurin. Tous étaient comme le messager qui lui avait donné le message, certains étaient du temps jadis, mais tous étaient morts.
Thurin fonçait aveuglement. Leurs visages étaient jeunes et pâles, peu avaient atteint la maturité. Certains cavaliers brandissaient leur sabre au-dessus de leur tête, d'autres le poing, et leurs cris parvenaient à Camille depuis un lieu très lointain. Son corps se couvrit d'une sueur froide tandis qu'elle prenait part à la charge de cette cavalerie fantôme.
Elle savait que les flèches la suivaient dans le même élan. Elle pouvait les entendre siffler tandis qu'elles fendaient l'air.
-Vole, Camille, vole !
Camille jeta un coup d'œil derrière elle, et fut déconcertée : elle regardait à travers la forme vaporeuse du Messager. Les flèches s'étaient effectivement enflammés, et elles tombèrent loin derrière. Un cri de victoire, telle une rafale de vent, s'éleva parmi les Cavaliers. Ils arrêtèrent leurs chevaux, et Thurin ralentit l'allure sans qu'elle le lui ait demandé.
-Pourquoi ? Demanda Camille.
Le messager se laissa glisser du dos de Thurin et s'écarta, il se fondit dans la masse des autres Cavaliers.
-Je ne peux trouver le repos tant que tu n'as pas achevé la mission. Sa vois s'atténuait. Ce fut une belle Chevauchée.
Ils commencèrent à se dissiper, comme le brouillard porté aux cieux par la brise.
- Attendez ! Quel est votre nom ? Lui cria-t-elle.
- Sennar dit-il. Sa voix se mua en un murmure emporté par le vent.
La masse de Cavalier disparu, emporté par le vent.
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